[Terminé] Des éléments qui détonnent et un Sakura qui rayonne [Pv Gemmei]

Des éléments qui détonnent et un Sakura qui rayonne
♫ Journey Goes On ♪


Elle s’était faite attrapée au détour de son ancienne koryū. Cela lui apprendrait à être nostalgique de son école. Il n’avait pas fallu longtemps pour réussir à la faire tourner en bourrique, à guider ses pas tels une danse fortuite autour de laquelle avait gambillé hakama et rubans ; en vain ! Gemmei ne s’était pas laissée faire. Être présentable n’était pas son point fort. La Samurai était parvenue à garder ses jambes presques nues, vêtues de simples bandes de chanvre comme un short près du corps, et ses suneate, jambières de son armure qu’elle ne portait jamais. On l’avait forcée à revêtir un jinbaori incarnat aux couleurs de son clan et portant le mon de son école. Ce grand manteau cachait un peu le uwagi trop long et débraillé qu’elle portait en dessous avec un obi à peine assez serré. Son maître la sermonnait depuis presque une heure maintenant. Elle mimait avec ses mains la bouche de l’homme qui continuait à la disputer tandis qu’il expliquait qu’elle lui devait bien ça, que c’était de la bonne publicité pour leur koryū, et qu’elle aurait pu faire un effort pour être présentable : le Daimyo lui-même serait présent !

« Daimyo-dono ? » maugréa-t-elle en se grattant le nez. « M’en fous moi, d’ça… »

Son ton avait été plus fort qu’elle ne l’aurait voulu. Le dénommé passa non loin juste à ce moment là. Gemmei garda un air interdit, son seul œil rond comme la lune alors que son maître lui fila un méchant coup dans l’épaule. Ils s'inclinèrent respectueusement comme tous les autres au passage de Ouka Torai jusqu'à sa place.

« Tu m’as dis que Mugen s’rait là et tu m’as menti… » grogna-t-elle en balayant la salle du regard.

Il y avait des artistes de tous poils. Certains s'affairaient sur des mets qui firent grouiller le ventre de la Sakura tandis que d’autres la laissaient perplexe avec leur poterie ou autre art manuel… La Samurai n’avait que peu de centres d’intérêts. Son principal était attaché à sa taille. Elle avait gardé les bras croisés jusqu’ici, ne bougeant que pour bailler sans aucune retenue. Ce défilé plus ou moins improvisé amena son maître à attraper un bushi au hasard dans la pièce pour adversaire. L’enfant des Cerisiers soupira lourdement et décolla enfin ses épaules du mur pour se mettre en position. Son attitude nonchalante ne lui donnaient pas l’air d’un combattant féroce, le dos voûté et le pas lourd.

Un autre soupir accompagna son geste lorsqu’elle saisit ses deux sabres. L’homme face à elle, probablement un Samurai qui avait l’air bien plus jeune qu’elle, se mit en position. Il avait ce sourire insupportable des jeunes gonflés d’ego. Eh. Gemmei ouvrit grand ses bras tendus, lames parallèlement tenues. Son adversaire s’avança lentement, puis un peu plus vivement. Il somma un premier coup dans le vide, comme pour l’intimider. « Tchk. » lâcha la Sakura, non impressionnée. Elle accéléra ses pas, obligeant le jeune à suivre le rythme, un peu plus affolé suite à ce changement de rythme. « Ay ! » hurla-t-elle puisqu’à son tour, elle lâcha un coup blanc, ses deux sabres fendant le vent avec un bruit perceptible malgré la saya enfermant son katana. Pris de panique, ou d’ego, l’homme se précipita et s’élança sur Gemmei ; son sabre fut aussitôt arrêté par l’arme gauche de la Samurai. Du même temps elle allongea son bras droit, pointant son kojiri, l’embout métallique de son fourreau, à un centimètre du cœur adverse. Cela avait été fulgurant.

Un long soupir.
Aussi rauque qu’il était insolent.

De mouvements amples et vifs, Gemmei rangea ses deux katana à sa ceinture. Ses sourcils s’arquèrent vers le haut. Ce fut à cet instant que son maître se demanda si le plus terrifiant était son sourire ou cette mine dépitée qu’elle arborait. Ses traits se déformèrent de désappointement, dévoilant un air carnassier.

« Ano neee*… » Elle se frotta rugueusement l’arrière de la nuque par dessous sa chevelure volumineuse. « S’té pas motivé pour te battre sérieusement autant arrêter… T’as aucun sens du spectacle, franchement… »

Son adversaire se décomposa légèrement et baissa sa garde. La Sakura ne lui prêtait déjà plus d’attention, se tournant alors vers le Daimyo. Le souffle de l’assemblée parut soudain se couper.

« Dites, Ouka-sama… » Elle croisa les bras. « Vous voulez pas qu’on parle alcool, plutôt ? Non pas que j’aime pas m’battre mais bon… »

Ses yeux s’illuminèrent, prouvant sa passion pour les breuvages alcoolisés. Un sourire qu’elle tentait de contenir naquit à la commissure de ses lèvres.

« Le saké c’est plus festif, nan ? Autant rendre honneur à Inari-sama ! »

Ce n’était pas leur Dieu tutélaire, certes, mais le Kami du saké méritait au moins autant de respect dans la caboche simplette de Gemmei. Soudain, comme prise d’un éclair de lucidité, son œil s’arrondit, réalisant tout d'un coup son attitude, puis elle s’inclina rapidement en fixant ses pieds.

« Ouka-sama. » répéta-t-elle pour marquer son respect.

Au fin fond de la pièce, un maître désabusé plaqua sa main contre sa tête avec brutalité.

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Elle n’osait plus regarder autre chose que ses pieds. Gemmei restait Gemmei, insouciante et désinvolte ; mais face au Daimyo, il y avait des limites dont même elle était consciente. Elle n’osa plus bouger, attendant le moindre signe ou ordre. Ses lèvres demeuraient muettes, ce qui était déjà suffisamment rare pour laisser penser à un miracle. Le silence commençait à peser sur ses épaules charpentées. Cette seconde où le temps semblait s’être suspendu s’avérait beaucoup trop longue pour la Samurai qui ne put s’empêcher de lâcher un soupir rauque lorsque Torai prit enfin la parole. La Sakura se redressa, l'œil rond de stupéfaction, dans l’attente d’une punition ou d’un sermon alors qu’elle appréhendait chaque mot prononcé. Sa bouche s’entrouvrit de surprise, ses traits déconcertés. Gemmei s’inclina bien vite une fois de plus pour se présenter poliment bien que précipitamment en sentant la phrase de son chef en suspens :

« Takegi Gemmei. »

Ensuite Torai poursuivit. Les joues de l’enfant du Cerisier étaient légèrement pourpres car il l’avait complimenté ; en tout cas, c’est ce qu’elle avait compris. Incapable de lire entre les lignes, la Sakura n’avait retenu que sa présence rafraîchissante et sa tenue inventive. Elle sourit bêtement tout en restant silencieuse malgré une allégresse perceptible sur son expression enfantine. Elle ignorait les quelques murmures la traitant d’idiote, n’appréhendant pas leur raison et ne s’en souciant pas le moins du monde.

« Oui ! » s’exclama-t-elle fortement en s’inclinant encore. Elle fit un effort pour articuler et s’expliqua d’un ton énergique : « Je travaille chaque jour à devenir meilleure dans mon art que le précédent, comme le devrait tout bon Sakura ! »

Torai cria kampai ; Gemmei se remit droite. Il était rare de la voir si bien se tenir, elle qui était toujours avachie. Elle observa le Daimyo boire son verre et renifla discrètement. Son sourire s’agrandit.

« Si j’peux m’permettre... »

Dans le fond de la pièce, son maître la suppliait de se taire et revenir vers lui. Comme à chaque fois, Gemmei était incapable de lire l’atmosphère et continua de parler :

« À l’odeur, j’suppose que vous v’nez de boire un koshu... Enfin c’est l’odeur de fenugrec qui me fait penser ça, j’me trompe peut-être. » Elle ouvrit la paume de sa main et désigna la coupe que tenait Torai. « Tout ça pour dire, faut au moins trois ans pour en faire, et chaque bouteille est un peu unique, alors vous trouverez pas de sitôt un saké du même aba… aca… Pareil, quoi. »

Son air très sérieux dénotait avec son apparence négligée. Son attitude donnait l’impression de savoir de quoi elle parlait. Soudain, Gemmei se mit à rire, embarrassée, et se gratta la nuque en rougissant.

« Enfin, pardon, vous voulez que j’me batte, c’est ça ? »

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« Ha, euh… »

Elle se gratta la joue, l’air perdu ; ennuyée d’une question qu’elle considérait intellectuelle, bien qu’elle savait la réponse :

« Take avec le premier caractère de “Arme”, gi avec le caractère de “alcool”, Gem avec le caractère du Gin, et mei avec le premier caractère de “clarté”… »

Gemmei baissa les yeux, embarrassée d’avoir expliqué comment écrire ses noms. Comme si d’un coup, elle prenait trop de place dans cette vaste pièce où les regards se posaient successivement sur elle. La Samurai n’était pas à l’aise lorsque les sujets de conversation reposaient sur sa propre personne.
Heureusement, la femme put rapidement dériver le sujet. Ce n’était pas vraiment volontaire : comme d’habitude Gemmei s’était laissée manipuler par son impulsivité. Elle considérait être l’une des plus grandes amoureuses d’alcool du pays, bien qu’elle ne l’affirmait pas à voix haute pour ne pas paraître prétentieuse.

« Vous m’honorez. » dit-elle en s’inclinant une fois de plus.

Un énorme sourire ne disparaissait plus de son visage amoché. Les murmures outrés de l’assemblée ne pouvaient guère ébranler la joie intense que ressentait la Sakura en cet instant. Elle discutait avec son Daimyo mais plus encore, il validait ses propos. L’honneur était un sentiment que la Samurai ressentait très rarement. En cet instant, il lui imposait une humilité rare tant la femme était une tête brûlée dénuée de considération. Elle sentait ses mains moites de nervosité quand soudain elle se redressa. Ouka Torai l’avait invitée. À sa table.

« V-Vraiment ? » laissa-t-elle s’échapper.

Son seul œil visible était rond comme une bille, à l’instar de sa bouche stupéfaite. Très vite son iris s’illumina de mille étoiles. Il affichait la joie candide d’un enfant reconnu par quelqu’un d’infiniment respecté. Elle augmenta son sourire, s’inclina, se releva.

« Oui, avec plaisir et honneur, Ouka-sama ! »

Plus tendue qu’une jeune fille à son premier rendez-vous galant, l’enfant des Cerisiers resta un instant paralysée, un air idiot sur le visage. Devenue un arbre tant elle semblait inerte, il ne bougeait que ses doigts crispés contre ses cuisses. L’une des servantes, probablement désabusée, l’invita d’un regard à s’asseoir.
Avec de grandes enjambées machinales, Gemmei se dirigea donc jusqu’aux quelques marches d’escalier menant au zashiki, le plateau supérieur tapissé de tatamis. Malgré son allure encore incertaine quelques instants auparavant, la Sakura n’hésita pas quant à la place à laquelle s’asseoir. Légèrement reculée, derrière et à gauche de son Daimyo, elle fléchit les jambes et s’assit en seiza. C’était incroyablement inconfortable. Elle n’avait pas l’habitude. Elle aurait bien aimé un zabuton…

La Samurai n’était que peu surélevée pourtant elle portait un nouveau regard sur l’immense pièce dans laquelle elle n’était un minuscule être parmi d’autres. Le plafond était extrêmement haut et de là où elle était, elle pouvait admirer les estampes des murs face à elle dans leur entièreté. Les fines lattes en bois recouvrant les murs sur les côtés impressionnaient particulièrement Gemmei qui imaginait très bien le travail immense que cela avait dû demander vu leur hauteur et leur faible épaisseur.
Un pan de kimono virevoltant la sortit de sa contemplation alors qu’on posait de nouveaux oshiki sur les plateaux à pieds devant Torai. On lui en apporta un sur lequel était posé un guinomi. Du saké y fut versé et la Samurai tenta de voir le mon sur la bouteille en céramique, en vain. Elle attrapa sa coupelle, observant la texture du breuvage un instant. Cela n’avait rien d’un mouvement d’expert bien que quelques personnes dans la salle semblaient y croire. Non, la femme se demandait juste comment s’y prendre et comment s’expliquer, s’il y avait un protocole pour ça. Elle avait l’habitude de boire plus que de déguster… Elle sentit l’alcool en approchant son nez, sourit, et but une longue gorgée.

« Un taruzake… » murmura-t-elle, ravie. « En tout cas, c’t’arôme boisé y fait penser. Vous connaissez ? » demanda-t-elle en relevant la tête pour observer son Daimyo, qu’elle ne voyait que de profil vu sa position en retrait. « On l’appelle kiga. C’est à cause des futs en cèdre qui contiennent le saké. » Son sourire s’étira. « Mon daron, elle se corrigea vite, un air paniqué soudain sur ses traits, euh, mon père, en produit quelques bouteilles dans du bois de cerisier. C’est excellent. »

Elle termina de boire son échantillon.

« Mh, bien sec, mais pas lourd. » commenta-t-elle sans vraiment réfléchir en reposant la coupelle sur le oshiki.

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Elle avait un sourire bête. La fierté de Gemmei se lisait comme son œil en moins sur la figure. Torai avait employé l’honorifique « sama », marquant donc son respect pour la Samurai. L’enfant des Cerisiers ne savait pas si elle en était digne, pas plus qu’elle n’en cherchait le sens : cela la rendait altière en tous les cas. Elle en bombait inconsciemment le torse en déballant sa science, profitant de l’alcool offert bien qu’elle trouvait qu’il en manquait. Elle n’allait cependant pas faire la fine bouche.

« T-Tout à fait, commença-t-elle en balbutiant, les joues légèrement rosies de timidité, il y a plein de brasseries dans not’ domaine qui s’essaient à des bois différents pour changer l’goût d’leur taruzake. »

Ensuite, Gemmei inclina son crâne. Elle empoigna ses genoux et se tut, laissant son supérieur discuter avec ses suivants. Lorsqu’il se mit debout, la Samurai manqua de sursauter. Aux aguets, elle leva immédiatement la tête pour l’observer. L’espace d’un songe, la Sakura trouva Torai bien lunatique à lui demandant de s'asseoir pour lui sommer de se relever l’instant suivant. Pour autant la femme ne se considérait pas en position pour remettre en question le bon vouloir d’un Ouka. Plus encore : elle allait se battre contre le Daimyo. Se battre contre le Daimyo. La bouche de Gemmei s’ouvrit grand. Ses traits s’étirèrent de stupéfaction et ses iris carmins s’illuminèrent d’un brasier incommensurable.

« Yabeeee...* » laissa-t-elle d’abord s’échapper. « C-C’est un honneur, Ouka-sama ! » s’écria-t-elle probablement un peu trop fort.

Elle était néanmoins trop excitée à l’idée de se battre contre Torai pour maîtriser le ton de sa voix. Elle fixait le Daimyo du regard ; par conséquent elle ne regardait pas vraiment où elle allait tandis qu’elle le suivit. Sa bouche était toujours ouverte ce qui lui donnait un air idiot. Elle souriait bêtement, comme un enfant de campagne attendant son père pour aller en ville la première fois. La Sakura n’avait plus l’air aussi avachie qu’auparavant, bien plus droite à l’inverse car probablement aussi tendue que galvanisée.

« Mon égo peut pas s’blesser en s’mesurant face à l’homme que j’ai juré d’servir ! » s’enthousiama-t-elle en trépignant sur place.

Elle dut prendre une longue inspiration pour se calmer. Les mains attrapant la ceinture à sa hanche, Gemmei eut soudain l’air plus avenante, car plus sérieuse. Elle prit le temps d’aspirer l’air par son nez, de le sentir passer par ses poumons, puis le relâcha par delà ses lèvres. Elle rouvrit son œil, ses traits légèrement nerveux malgré une impatience allègre dans le fond de son regard.
Afin de rejoindre ses pieds l’un contre l’autre, elle les fit glisser. Le tissu de ses tabi crissèrent sur le plancher ; elle adorait ce son qui annonçait un duel. Les bras le long du corps, elle s’inclina poliment pour saluer son adversaire. Puis elle porta une main à son katana, l’autre maintenant la saya de son wakizashi. Ensuite, de gestes amples, elle ouvrit grand ses deux bras en tenant ses armes, gardées dans leur fourreau bien entendu. C’était un duel amical, pas un combat à mort. Ses mains tendues descendirent au niveau de ses épaules, puis des hanches, pour finalement être amenées face à elle, les sabres pointés vers Torai. Gemmei avança son pied droit. Ses sourcils se froncèrent. Son regard semblait vouloir passer à travers le Daimyo.

Elle l’attendait.

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Elle connaissait ce sentiment et, ô qu’elle l’adorait ! Gemmei ne pouvait contenir le sourire s’étirant jusqu’à ses oreilles, menaçant malgré elle. Le laido avait ce pouvoir de mettre son sang en ébullition, ses sens en alerte… Car nul Samurai du clan du Cerisier ne pouvait ignorer que son Daimyo était l’un de ses adeptes. La Sakura se remémorait aujourd’hui encore le duel fatidique qui l’avait transcendé face à cet art du sabre. Cette émotion mélangeant rage et fascination lorsque Mugen l’avait mise à terre… Un souvenir doux-amer impossible à oublier. Gemmei avait la sensation de revivre cet instant face à un nouvel adversaire. Nouvel adversaire ? Non, c’était le laido lui-même qui incarnait son antagoniste. Aussi ce duel incarnait-il les retrouvailles avec un vieil ami… Et cette fois-ci, la femme savait qu’elle ne serait pas déçue de son opposant.

Le regard du Daimyo changea soudain ; un frisson parcourut l’échine de son obligée. Malgré un sourire encore plus présent, Gemmei sentait l’anxiété gagner ses mains. Elle ne perdait pas sa concentration pour autant, lorgnant Torai sans bouger. Soudain, il s’élança sur elle. L'œil de la bushi fut vif, même s’il était unique ; elle suivit du regard les mouvements prompts de son adversaire dégainer son arme et de ce fait, s’adapta rapidement. Fléchissant légèrement les genoux tout en écartant les pieds pour ancrer son équilibre, l’enfant des Cerisiers croisa ses épées pour bloquer le katana du Daimyo. « Haa ! » s’écria-t-elle du même temps. Elle leva son bras droit dans l’idée d’asséner un coup à son adversaire, utilisant le fourreau de son wakizashi pour dériver la lame de Torai. Malheureusement, peut-être empreinte de trop de confiance en elle et sa concentration partie sur son attaque plutôt que sa défense, Gemmei en oublia l’incroyable rapidité dont pouvait faire preuve son opposant mais aussi la saya qu'il tenait. Elle eut à peine le temps de descendre son bras avant que l'arme de son adversaire ne surplombe sa tête.

L’air idiot, louchant presque sur le fourreau menaçant en haut de son crâne, Gemmei cligna de l’œil lorsqu’elle se reçut mollement un coup sur sa chevelure épaisse.
Tigre-amer se répétait-elle intérieurement en glissant ses pieds sur le plancher pour se replacer droite. Torai la somma de se mettre en garde. « Hai * ! » cria-t-elle en obéissant aussitôt. Elle souriait de nouveau, avec bien moins d’angoisse sur ses traits. Le brasier de ses iris carmins brûlait plus intensément que tout à l’heure. Le feu du combat la consumait ; l’amusement s’emparait de ses membres qu’elle devait contrôler pour ne pas trépigner sur place. Elle parvenait à rester excitée malgré un serrement au cœur. Ceci n’était pas du laido. Ça n’avait même pas l’âme d’un bushi. Mais cela ne rendait que plus intéressant cet homme dont elle ignorait finalement tout : malgré son rang, il suivait sa propre voie, tâchée de déshonneur. Tout comme elle.

À mon tour, songea l’impatiente en avançant lentement sur le sol. La passion ne se dérobait plus à son visage fier. Elle changea son style de garde comparée à la précédente : ses bras restèrent mollement le long de son corps. On ne pouvait même pas appeler cela une position : la personnalité désinvolte de Gemmei s’exprimait pleinement au travers de cette postule. Elle avança d’un pas décidé vers Torai, le regard perçant. Clac. Sa saya résonna avec la soie du katana de son adversaire. Ce geste avait paru lui demander peu d’effort ; ce n’était qu’en apparence. Pas deux fois songea-t-elle en resserrant sa prise sur son wakizashi, parant aussitôt l’offense faite tout en maintenant la première. Et elle s’élança. En l’honneur du tigre face à elle, la Sakura bondit presque, sa longue lame levée, les jambes grandement écartées. Kriiiss. Ce son si symptomatique des tabi patinant sur le sol. Ce sentiment d’exaltation. Cette envie de gagner avec honneur. Clac ! Gemmei arrêta le coup horizontal avec son wakizashi et utilisa son katana en renfort tout en l’inclinant pour parer l’autre arme de son adversaire. « Aye ! » hurla-t-elle quand enfin, vélocement, naturellement, comme si son poignet glissait sur l’eau, elle pivota sa main droite. Elle n’arrêta son geste que lorsque le fourreau de son épée fut à cinq centimètres du cou du Daimyo.
C'était terminé. Promptement elle recula, bondissant d'un pied sur l'autre. Lorsque la distance fut correcte, la Sakura tapota son katana sur son épaule droite en souriant à pleines dents.

« J’ai aucun truc stylé à dire comme vous à la fin, mais j’suis super contente ! » dit-elle avec autant d’idiotie que de tendresse sur ses traits impatients.