[CLOS] À la maigre frontière entre la loyauté et le devoir, mon existence

À LA MAIGRE FRONTIÈRE ENTRE LA LOYAUTÉ ET LE DEVOIR, MON EXISTENCE


Ingénue, cela ne faisait aucun doute. Ce mot ne cessait de revenir en les songes de la Kougen chaque fois que Misao prenait la parole. La plaisanterie lui était passée au-dessus, en venant à proposer de l’appeler par son prénom. Au-delà d’être trop humble pour son propre bien, c’était surtout trop familier pour Hibiki. Cette dernière demeura polie toutefois sa décision était claire :

« Zaizen, dans ce cas. »

Il n’y avait pas place aux négociations. L’impériale avait accepté de supprimer l’honorifique mais cela s’arrêterait ici. Malgré sa réponse laconique qui pouvait paraître sèche, la conseillère n’avait pas perdu de son sourire. Elle contourna son interlocutrice, prête à partir, quand la Loyauté lui posa une question. L’équin souffla bruyamment en levant vivement la tête lorsque sa maîtresse l’arrêta encore. Hibiki lui tapota l’encolure avec tendresse.

« Oh, cela n’est un mystère pour personne, je n’ai aucun intérêt à cacher les faits. » dit-elle tout d’abord avec un sourire facétieux qu’elle tourna vers Misao. « J’ai eu l’honneur d’être choisie pour exercer, à l’instar de quelques Samurai, le yabusame en vue du rituel automnal annuel du Haut-temple de Hachiman-sama. »

L’impériale rayonna davantage, la fierté se dégageant de ses traits ravis. Il était certain que pour la Kiku qu’elle était, c’était une forme de reconnaissance honorable envers sa dévotion et ses compétences en tant que future épouse du Daimyo du Camélia.

« L’origine de ce rituel remonte à la fin de l’ère Tekketsu, commença-t-elle en replaçant un cheveu rebelle à peine visible de par sa finesse, il y a plus de deux siècles de cela, donc. »

Les traits de son visage ne se murent pas plus que précédemment néanmoins ses iris bruns se mirent à pétiller. Elle poursuivit :

« À cette époque, le clan Tsubaki était pris entre de nombreux feux. Leurs dévoués soldats tombaient les uns après les autres : c’était peu de temps avant qu’ils ne rejoignent les bannières du premier shogun de notre Empire, leur évitant l’extinction de leurs couleurs. Dans ce contexte où le moral était au plus bas, le général Tomohiko fit de l’art martial qu’est le yabusame un rituel conjoint avec les religieux de sa région. Il espérait ainsi accroître la force mentale de ses guerriers… »

L’animal sous Hibiki s’ébroua. Il leva une patte, tambourina de son sabot la poussière.

« Pardon, Oki-chan… » souffla-t-elle en lui flattant l’encolure une fois de plus. Elle reporta son regard sur Misao. « Okimiyage a raison, me voilà bien volubile ! Veuillez m’excusez, elle s’inclina, ce qui touche à la spiritualité l’emporte toujours sur ma raison… »

Ensuite elle se redressa et sourit poliment, quoi qu’un peu contrit.

« Vous qui avez la gentillesse de m’accorder de votre temps, me voilà à le gâcher avec mes bavardages… Enfin, comme vous pouvez le constater, ma monture se porte bien. Ne vous inquiétez pas pour son dressage. »

Tu savais pertinemment que tu en demandais trop, Misao, mais tu ne changerais probablement jamais la manière dont tu étais. Tes parents avaient enseigné la politesse, ce qu’il fallait pour ne pas leur faire honte, mais l’on ne pourrait jamais étouffer cette innocence avec laquelle tu observais le monde. Peut-être souhaitais-tu simplement trouver des amis ? Peut-être cela était-il plus inhérent à ta personne même ? Secouant la tête pour chasser ce questionnement presque parasite, tu offris un simple sourire de remerciement à l’impériale quand elle t’offrit un peu plus de familiarité.

« Oh… Je comprends mieux. Tes yeux s’étaient mis à briller devant ses explications. Vous en serez parfaitement capable, avec le niveau que j’ai aperçu. Tu ne la flattais pas, la voix simplement franche et droite. J’espère pouvoir assister à cela, si l’on je suis libre en cette journée où que j’accompagne Tetsuko-sama. »

Tu ne savais pas encore de quoi serait fait les jours, les semaines à venir, mais tu étais parfaitement consciente, Misao, que tu garderais cette date en tête, espérant que les astres s’alignent pour t’offrir le plaisir du spectacle. Et si tu allais ouvrir à nouveau la bouche, prête à lui demander comment elle se sentait à l’approche de la date et si tu pouvais lui être d’une quelconque aide, les lèvres rosées de la Kougen s’ouvrir à nouveau.

Ton souffle se murât dans ta gorge alors que tu l’écoutais soudainement avec attention. Elle te livra une partie de ton histoire, de celle de ton peuple. Comme lorsque ton père venait à te compter ses faits d’armes ou de vos ancêtres, de ceux que vous serviez, tu retrouvas une bouille d’enfant obnubilée par ce qu’on lui confiait. Autant dire que lorsqu’elle revint à la ‘réalité’, il te fallut une poignée de secondes supplémentaires pour en faire autant.

« Ne vous en excusez pas, bien au contraire. Tu avais rosi un peu, en repoussant quelques mèches de feux de ton visage, alors que tes yeux ne pouvaient la quitter. Cela m’intéresse grandement. Si vous avez encore d’autres explications ou anecdotes que vous voudriez me partager, maintenant ou plus tard, je prendrais grand plaisir à les écouter. »

Tu parvins enfin à décrocher tes yeux de la belle chrysanthème pour les reposer sur le jeune cheval qu’elle chevauchait. Entendant ses mots, tu ne pus t’empêcher de l’observer silencieusement de longs instants avant de relâcher ton souffler et hocher la tête.

« Bien, j’espère. Si vous pouvez m’accorder une promesse, prévenez-moi s’il devient nerveux les prochains jours ou devant des éclats lumineux. Je ne voudrais pas avoir causé de souci à votre monture. Tu reculas enfin, avant de lui sourire, en claquant doucement tes mains l’une dans l’autre. Voulez-vous retenter un nouvel essai de tirs, avant que je me retire ? »

Tu ne t’imposerais pas, petite flamme, mais tu souhaitais tout de même lui proposer ton regard sur sa pratique une dernière fois avant de vaquer à tes devoirs au Palais.

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« Je ne manque pas pas d’histoires à partager et je vous les conterai avec plaisir néanmoins, pas en ce lieu et ni en cet instant… » L’équin s’agita ; Hibiki lui caressa l’encolure aussitôt. « …où Okimiyage ne manquera pas pas de me faire comprendre son impatience par la force ! »

Un léger ricanement parcourut ses lèvres closes. La Kougen finit par accepter la proposition de Misao vis à vis de sa monture, principalement par politesse. Même si le cheval finissait effrayé, Hibiki ne comptait pas s’en séparer : son nom symbolisait l’importance qu’il représentait à ses yeux.

« J’accepte votre proposition avec joie, dans ce cas. »

Tout en attrapant ses rênes, l’impériale s’inclina très légèrement puis fit faire demi-tour à la bête. La corde de son épingle à cheveux s’agitait au rythme de son allure tandis que la jeune femme trottait jusqu’au point de départ de son parcours de yabusame. Au loin, on devinait son sourire alors qu’elle chuchotait quelques mots mystérieux, et probablement tendres, à Okimiyage. Terminant de flatter la crinière de son cheval, Hibiki inspira profondément, reprit une posture parfaite, et expira. Ensuite, ses pieds s’ancrèrent dans les waabumi de la selle et d’un seul geste, le cheval s’élança vivement dans sa course. Comme la fois précédente, sa technique tachi sukashi frôlait la perfection : le sang Sakura parcourant ses veines révélait tout son talent pour la grâce. De ses mouvements souples, la Kougen toucha sa première cible. Elle tendit davantage ses jambes pour conserver son équilibre avec joliesse. Lorsqu’elle attrapa sa seconde jindoya depuis son carquois, l’impériale se souvint des mots de la Loyauté. Ses flèches étaient courtes. Ainsi, la Kiku relâcha légèrement son allonge puis laissa partir le projectile. Seconde touche. La promise avait envie de sourire néanoins sa concentration resta inébranlable. Elle fronça les sourcils. Troisième touche. Elle loupa la quatrième. L’agacement grandissait dans son corps à en faire trembler ses bras ; à moins que ce ne soit l’effort répété de cet art exigeant. Malgré tout, elle semblait à l’aise avec la vitesse effroyable de course de sa monture. Son équilibre était irréprochable. Elle se pencha légèrement sur le côté, tira, toucha la dernière cible.

Okimiyage ralentit son pas. Hibiki détendit ses membres. Son shigeto dans une main, la seconde vint se poser sur son cœur tandis qu’un souffle l’époumona. Elle se rassit confortablement, rangea son arc, et revint tranquillement jusqu’à Misao.

« Ai-je bien appliqué votre conseil ? » demanda-t-elle non sans une pointe de fierté dans la voix.

Ce fut la joie qui vint se répandre en toi, alors que l’impériale, future dame rouge, accédait à ta demande. Curieuse comme tu pouvais l’être, tu savais dès à présent combien tu dévorerais les récits et histoires de ces terres, de ton clan ou des autres, qu’elle pourrait te partager. Et cela vint faire luire tes yeux profondément. La joie, que tu n’essayas même pas de ravaler alors qu’elle te rappelait qu’elle était ici pour s’entrainer. Souriant en grand, tu hochas la tête et pus te reculer.

Avec quelques mètres en arrière, tu te surpris à apprécier autant la tenue de l’équidé que de sa cavalière. Une noblesse que tu ne pourrais que feindre sans jamais l’acquérir, voilà ce que tu semblais voir. Ce fut probablement pour cette raison que tu inscris le duo dans ta mémoire, t’attristant presque de ne pas pouvoir graver cette image toi-même sur du papier, comme certains artistes en étaient capables.

La démontrant te sembla encore plus époustouflante qu’à ta première découverte, alors que tu épiais la jeune femme avec de grands yeux. Il y avait dans sa maîtrise quelques choses de dansants, dans sa prise sur l’arc une perfection naturelle. Bien d’autres auraient peut-être ressenti de la jalousie ou du mépris, mais toi, les yeux brillants de bonheur, tu ne vins grignoter que la joie de pouvoir voir un tel travail. L’envie que cela provoqua en toi fut de tenter de l’égaler. Tu n’étais pas bonne pour être jalouse, juste pour te stimuler plus encore.

Ce fut lorsque Okimiyage revint vers toi, sa cavalière sur son dos, relâchant à peine son attitude concentrée que tu ne pus t’empêcher d’avancer vers elle, en applaudissant doucement dans tes mains.

« Votre professeur sera forcément extrêmement fier si vous lui offrez un tel spectacle. Vous étiez toute de précision et de perfection faites. Relevant le nez pour observer ses yeux, tu te rendis compte qu’elle portait probablement la cérémonie à venir à un gout artistique. Voilà qui te plaisait, mine de rien. Je suis vraiment très honorée d’avoir pu vous donner un conseil et le voir appliquer si vite. Merci d’avoir acceptée ma présence à vos côtés. »

Comme tu l’avais déjà fait, tu t’inclinas avec le respect que son rang demandait, ou que tu souhaitais lui témoigner, peut-être même les deux. Quand tu redressas ton buste et ta tête, ce fut pour reculer un peu et après avoir hésité un instant, tu lui expliquas doucement :

« Je vais devoir me retirer pour ranger les affaires de mon cheval et continuer ma journée. Souhaitez-vous que je vous raccompagne aux écuries, en même temps ? »

Toute en simplicité et amitié, comme tu l'étais souvent.

À LA MAIGRE FRONTIÈRE ENTRE LA LOYAUTÉ ET LE DEVOIR, MON EXISTENCE


Elle trottait fièrement, sa monture à l’image de son attitude solaire. Ses sabots se levaient avec une sorte de dédain tandis que Hibiki gardait le dos droit, ses yeux brillants posés sur la Tsubaki.

« J’aurais aimé qu’il puisse me voir. » confia-t-elle avec un sourire timide. Son sensei était cher à son cœur. « C’est moi qui suis honorée d’avoir bénéficié des conseils du Courage. » Elle inclina légèrement la tête avec humilité. Se redressant, elle ajouta : « Votre avis m’a été précieux. Je continuerai d’y songer en poursuivant mon entraînement. »

Le cheval fit un pas en avant, deux en arrière, et se stabilisa. L’impériale sourit à Misao :

« Je vous en prie, faites vos affaires. Pour ma part, je souhaite m’entraîner encore quelques temps. » Elle se courba une fois de plus. « Je vous souhaite une merveilleuse journée. J’espère que nous aurons un temps pour discuter ensemble prochainement. Entre femmes moins grisâtres que les autres. » ajouta-t-elle avec un faible sourire espiègle.

Après une dernière révérence, Hibiki galopa jusqu’au début de la piste.