La musique est une révélation plus haute que toute sagesse et toute philosophie [PV Hanae]

Une nouvelle journée venait de commencer pour la jeune Chokkai. Comment pouvait-elle le savoir ? Eh bien grâce à son ouïe qui lui indique des chants d’oiseaux ! Tout était plutôt calme, une petite brise fraîche matinale lui faisait comprendre que le soleil venait de se lever où allait poindre le bout de son nez bientôt. S’étirant et baillant légèrement, elle se frotta les yeux. C’est une habitude qu’elle a depuis toute petite ! Bien qu’elle ne puisse pas le voir, elle a quand même de bonnes allergies. Essuyant ses yeux pleurant avec un bout de tissu qu’elle trouva en tâtonnant, elle prit une grande inspiration et se leva tranquillement. Dans la pièce où elle se trouvait, aucun bruit ne lui parvenait, les autres devaient sans doute être occupés ou partis. Elle aussi aimerait tellement voyager, mais cela n’est pas possible pour le moment, on avait besoin d’elle ici.

Chikako appela alors la suivante qui ne la quittait pas d’une semelle et en entendit la porte, elle offrit un doux sourire avant de s’avancer et de s’arrêter là où elle sentait une présence. Levant sa main, elle tâtonna la joue pour remonter jusqu’au sommet de sa tête et y déposer une douce caresse suivit d’un petit tap tap amical. Entendant la personne lui répondre avec beaucoup d’entrain et un rire plutôt doux, la jeune femme lui demanda alors de choisir ses vêtements et de l’habiller. Elle lui faisait confiance, après tout, cela faisait maintenant quelques années qu’elles étaient ensemble. Une fois que celle-ci se décida sur la tenue, elle s’approcha alors et eut comme une soudaine révélation. Sortant d’un endroit de sa robe une sorte de papier, Chikako pencha la tête, se demandant ce que ça suivant faisait.

- Mademoiselle, vous avez reçu une missive de la part d'Ouka Izaya. Si je comprends bien ce qu’il y a d’écrit, on vous demande personnellement pour donner des cours de musique à une jeune fille.

Chikako releva la tête, regardant dans une direction opposée à celle où se trouvait sa suivante et réfléchissant, elle hocha la tête avant de dire d’une voix douce et enjouée.

- Oh ? Eh bien, ce serait avec un grand plaisir que je donnerais des cours à cette jeune personne ! Veuillez envoyer une réponse rapidement, affirmant ma venue très rapidement.

La jeune suivante accepta rapidement son ordre et c’est avec rapidité qu’elle sortit de la pièce pour faire passer le message. Se retrouvant seule dans la chambre, elle réfléchit un long moment, cherchant des idées de ce qu’elle pourrait apprendre à cette jeune novice. Quelques instants plus tard, la revoilà. Fermant la porte derrière elle, la jeune femme habilla Chikako. Elle ne savait pas quel genre de tenue elle avait préparer, mais elle lui faisait confiance sur ce point.

Après quelques minutes, la voilà fin prête. Coiffée et habillée. Souriant doucement, elle lui demanda de lui apporter son instrument de musique, le mettant par la suite dans son dos. Une fois prête, Chikako prit une grande inspiration et demanda à sa suivante de l'amener vers le château du Daimyo.

Sur le chemin, la jeune suivante lui expliqua quelques détails qu'on lui avait demande de transmettre. Écoutant attentivement en ne lâchant pas le bras de la suivante, Chikako en appris un peu plus sur le château. La où elle allait se retrouver est branche secondaire de la famille principale. Hochant la tête, Chikako était légèrement impatiente d'arriver enfin. Elle adorait la musique, alors avoir l'opportunité de pouvoir l'apprendre a une personne lui prodiguer un bien fait significatif.

Sur le chemin, elles croisèrent de nombreuse personne qui l'a reconnu et l'arretèrent pour la remercier ou lui souhaiter une bonne journée. La route qui ne devait être longue se retrouva prolongé a chaque arrêt. Mais que pouvait-elle y faire ? Ce n'était pas dans sa nature de refuser la bienveillance des autres.

Après un certain temps, elles arrivèrent enfin devant le château en question. Évidemment, Chikako ne pouvait admirer la beauté de celui-ci, mais sa suivante laissa échapper un bruit de surprise et de fascination. Penchant légèrement la tête, elle ne comprenait pas tout et lui a donc demandé ce qu'elle voyait.

- Si vous saviez mademoiselle…C'est vraiment époustouflant…Vous aurez adoré voir à quoi ressemble le château…

- Il doit être vraiment magnifique…Quand on se rentrait, tu pourrais me le décrire ?

La jeune suivante approuva d'un petit oui et se dirigea ensemble vers l'entrée du château. Elle entendait tout ce qui se passait autour d'elle, il y avait pas mal d'animation et de bruit d'armure. S'arrêtant soudainement, elle leva la tête sans savoir où tourner la tête et en entendant le garde lui demandait qui elle était et qu'est ce qu'elle venait faire ici, la jeune Chokkai afficha un large sourire et demanda à sa suivante de lui donner la lettre qu'elle avait reçu.

- Bonjour, je suis Chikako. On m'a mandaté pour devenir le professeur de musique d'une jeune enfant ici.

Le garde trifouilla le papier, puis dit d'une voix plus calme qu'elle pouvait entrer et expliqua rapidement le chemin vers l'aile appropriée. Le remerciant d'une voix douce, elle fut surprise d'entendre une autre paire de pas derrière eux. Elle ne savait pas qui cela pouvait être, mais la personne voulait peut-être voir si elles arriveraient à destination ?

Après quelques instants de marche, elle entendit une voix non loin appeler une petite fille et lui demanda d'attendre à l'intérieur. Suivant alors la demoiselle et une domestique, on l'installa sur une sorte de texture moelleuse.

An 1272, 11ème jour de Kanbokusan, Ère Teisen.
Atsuihi ~ Sakura-ryo.


Elle dévore les mots des sages, s'abreuve des connaissances de ses précepteurs, chaque jour, il pleut sur la jeune pousse de cerisier des savoirs multiples et des apprentissages divers qu'elle doit faire siens. Grandir sous le soleil des Ouka est à ce prix. L'enfant ne rechigne pas à la tâche, elle aime apprendre. Plus encore peut-être, elle aime voir cette lueur de fierté éclairer le regard de son adoré paternel lorsqu'on la félicite. Elle sait que les connaissances qui sont à sa portée sont des biens précieux et qu'il lui faudra devenir bien plus intelligente qu'elle ne l'est actuellement, pour remplir dignement son rôle de conseillère. Elle mesure l'honneur qui lui est fait et sait qu'elle devra travailler chaque jour pour être à la hauteur de son nom.

Sa silhouette est fluette mais son dos droit marque toute la tonicité d'un corps qui ne connait de l'oisiveté que la forme écrite. Son visage a encore les rondeurs de la jeunesse mais la jeune demoiselle se dote peu à peu des traits d'une jeune femme. Sans doute, s'en donne-t-elle un peu les airs aussi, comme pressée d'être grande et de rejoindre la cour. Enjouée et travailleuse, voilà l'enfant qu'était Hanae à ses onze ans.




- Mademoiselle Kobayashi ?

La femme qui répond à ce nom est doté d'une beauté toute en douceur malgré l'originalité de la couleur de ses cheveux, elle semble un peu perdue ou bien pensive mais, Hanae ne saurait lui en vouloir. Le château était impressionnant, intimidant parfois, un effet qui ne se limitait pas qu'au ressenti d'un seul sens. La dernière née des Ouka avait été informée du handicap de sa nouvelle professeure, elle n'avait jamais fréquenté de personne aveugle avant mais cela ne lui semblait pas être vraiment un challenge et encore moins un problème. La femme aux cheveux blancs était assise sur un zabuton, au milieu d'une pièce lumineuse puisque attenante aux jardins, autour d'elle, poussés contre les murs, différents instruments de musique attendaient patiemment leur heure. Juste en face d'elle, un autre zabuton accueillit bientôt les genoux de l'enfant.

- Enchantée de faire votre connaissance, je suis Ouka Hanae, fille de Ouka Izaya, je suis ravie de recevoir votre enseignement et vous remercie d'avoir accepté notre invitation.

Les mots étaient formels mais le ton se voulait plus léger, Hanae s'évertuait à être tout à la fois d'une politesse exemplaire et une hôtesse soucieuse de détendre l'atmosphère fort solennelle des lieux. Elle s'inclinait légèrement, quand bien même la femme qui lui faisait face ne pouvait pas le voir.

- Souhaitez-vous boire quelque chose ?

L'enfant frappait deux fois dans ses mains, deux petits claquements secs et précis, sur un rythme qui était devenu habituel, auxquels répondit en échos presque immédiat, l'ouverture d'un shoji sur la silhouette agenouillée d'une servante qui attendait les instructions. Quelques pas plus loin, derrière une autre cloison, deux gardes se tenaient alertes, les visites étaient fréquentes auprès de la jeune Ouka mais si leur mission était banale, elle restait assez vitale et honorable pour les garder toujours prêts à secourir la demoiselle.

Chikako n’avait clairement pas l’habitude de donner des cours, elle n’était qu’une simple musicienne sans réel talent, enfin, c’est ce qu’elle pensait. Depuis qu’elle avait appris à jouer de divers instruments enfant, elle avait pris l’habitude de se balader avec son fétiche sur le dos. Le chemin fut assez long pour arriver devant le château, et même si elle ne pouvait pas voir, elle entendait tout ce qui se passait dans les alentours. D’après son ouïe, il y avait pas mal de garde, ce qui était très rassurant pour la jeune femme. Accompagnée par son assistante, elle se dirigea donc vers l’aile réservée à la famille de sa cliente. L’air était plutôt frais et on pouvait entendre quelques rires non loin.

Lorsqu’on lui fit signe de suivre une domestique, Chikako gardait ce doux sourire sur ses lèvres. Entrant dans une nouvelle pièce, le silence fut une première surprise, elle était donc rentrée dans une sorte de lieu clos. Hochant la tête, elle posa sa main sur l’épaule de sa suivante jusqu’à une sorte de coussin très moelleux et la remercia chaleureusement. Lorsqu'elle avait utilisé sa voix, elle avait remarqué que celle-ci s'était un peu percuté contre des choses solides, elle en conclut donc que c’étaient sans doute des instruments.

Le silence continua ainsi quelques instants, puis des bruits de pas assez léger entrèrent dans la salle, suivis d’un bruit de coussin comme le sien avant. Chikako conclut donc que la personne assise non loin d’elle devait être la fameuse enfant à qui elle devait apprendre la musique. La voix se situait juste devant elle et paraissait vraiment enfantine et mielleuse. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu’elle fit une révérence protocolaire, les mains devant elle et se redressa juste après.

- Enchantée Dame Hanae, je me prénomme Chikako. Je suis honoré de pouvoir vous apprendre l’art merveilleux de la musique. J’espère que mes enseignements vous satisferont.

Chikako pencha légèrement la tête sur le côté, montrant ainsi une facette pleine de reconnaissance et de joie à l’idée d’enseigner à une nouvelle personne. Il est vrai qu’elle adorait la musique, c’était un peu son refuge. Elle adorait entendre les mélodies qui sortaient de son instrument fétiche. Parfois, on lui disait que sa musique avait le don de calmer les gens ou d’amener en eux un sentiment particulier. Chikako n’y croyait pas vraiment, mais cela la rendait, malgré tout, très heureuse.

À la demande de la jeune femme assise devant elle, Chikako hocha la tête, il est vrai qu’elle avait une certaine soif. En même temps, parcourir autant de routes et ne pas boire étaient assez épuisantes. Sursautant un peu en entendant les petits claquements, Chikako fut légèrement perturber, le son se répandant dans toute la pièce, troublant ses oreilles qui n’était clairement pas habitué à ce genre de chose. Elle comprit alors que la jeune maîtresse de maison avait demandé à ce qu’on leur amène de quoi boire.

- Je vous remercie Dame Hanae. Je voulais également vous demander. Cela peut paraître étrange, mais j’aimerais savoir s’il me serait possible de toucher votre visage ? Comme je ne peux pas le voir, j’aimerais graver votre visage à travers mes mains.

Chikako se rendit alors compte de son erreur et s’empressa rapidement de sourire nerveusement avant de jouer avec ses mains, enfin, avec ce qu’elle pouvait.

- Veuillez m’excuser, je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise Dame Hanae.

Elle entendit alors sa suivante se mettre à coté et prendre également la parole, défendant ainsi sa maîtresse.

- Dame Chikako à l'habitude de demander cela pour garder une trace de la personne qu'elle rencontre.

An 1272, 11ème jour de Kanbokusan, Ère Teisen.
Atsuihi ~ Sakura-ryo.


Le soleil enlaçait avec douceur les terres du Sakura-ryo, une tranquille torpeur entourait le château, auréolant l'imposant édifice d'un calme imperturbable. Cette paisible apparence pouvait être trompeuse, nombre de serviteurs étaient affairés dans l'ombre du palais et les plus éminentes personnalités du domaine n'étaient pas en reste, l'oisiveté n'avait pas sa place entre ces murs. Pourtant, la scène qui se jouaient dans la salle de musique se jouait au rythme lent et régulier de deux respirations mesurées.

Les présentations faites, Hanae fit signe à la servante d'apporter de quoi se désaltérer à son invitée. Rapidement on installa près d'elles un petit plateau sur lequel la servante prépara le thé. L'eau coulait lentement dans les bols lorsque Chikako fit son étrange demande. L'étonnement se dessinait sur le visage de la petite demoiselle alors qu'elle lançait un rapide regard à sa servante. Hanae était devenue soucieuse des apparences à l'approche de son passage à l'âge adulte, elle devait faire honneur à son nom de famille et le regard des autres prenait peu à peu une place importante dans sa propre perception.

Elle ne vit rien sur le visage de sa servante, ni malaise, ni aucune émotion en réalité.. Hanae ne pouvait pas espérer deviner ses pensées, la femme était trop professionnelle pour laisser transparaitre ses réflexions. Cela embêtait bien Hanae qui ne savait pas vraiment comment prendre cette demande. L'affaire était inédite, jamais personne n'avait demandé à toucher son visage, il semblait évident que personne n'avait à la toucher à moins que ce ne soit pour lui porter secours ou qu'on se nomme Ouka Izaya.

Le temps que Hanae réfléchisse à la question, le thé était servis et la servante quittait la pièce après s'être inclinée, elle allait refermer le shoji quand la suivante de Chikako s’immisça dans la pièce, venant se placer auprès de sa maîtresse pour expliquer son attitude. La jeune Ouka aurait préféré rester seule à seule avec Chikako, l'affaire aurait été plus discrète et moins sujette à être ébruitée. Elle pesa soigneusement le pour et le contre avant de répondre posément.  

- Mon visage est bien banal mais je ne vois aucun mal dans votre requête.

La réponse semblait naturelle quand bien même elle ne l'était pas tout à fait. L'enfant tendit ses mains jusqu'aux poignets de Chikako, désireuse de se passer de l'intermédiaire que représentait sa suivante, elle s'emparait avec délicatesse de ses poignets sans toucher directement sa peau mais le tissu de ses manches. Elle portait sans difficulté les mains frêles mais dont les doigts étaient marqués par la pratique régulière des instruments, jusqu'à son visage. Fermant les yeux afin d'éviter tout accident malencontreux, elle trouvait soudain cette idée plutôt amusante, oubliant momentanément son statut pour plonger dans l'excitation toute enfantine d'être face à l'inconnu, à la découverte, à la nouveauté. Elle sentait les doigts parcourir son visage avec ce qu'elle supposait être de la curiosité et il ne lui vint que tardivement, trop tardivement, la pensée que si Chikako était un assassin déguisée en innocente professeure de musique, elle pouvait sortir une lame de sa manche et lui trancher la gorge sans qu'elle n'ait la moindre chance de réagir..