[Terminé]Préparation au Festival du Lotus et du Cerisier. [Renge & Sakura]

Les discussions sur l’organisation du futur festival perduraient. Elle jetait un œil sur l’accord financier, le voyant passer sur la table. Elle acquiesçait. « C’est accord préalable du Clan Renge. Je transmettrai cet accord à mon Jokai et mon Sekke. »  Elle laissait entendre une acception précaire, sans pour autant laisser une quelconque inquiétude sur la réponse finale. Elle tenait à cœur de laisser les autres pouvoirs leur voix… quand bien même les préparations étaient d’ores et déjà bien avancées. Cela étant dit, aucune ombre au tableau laisserait entendre une désapprobation de ses collaborateurs. Elle ajoutait quelques mots rassurants à l'assemblée.

« Concernant une participation monétaire, nous entendons également participer. A moins que les produits en nature vous suffisent, laissant un rôle superflu à un apport financier ? » disait-elle, faisant virevolter son éventail, comme à chacune de ses participations. On vint lui servir un thé, qu’elle buvait avec grande délicatesse, écoutant attentivement les diverses interventions d’ici et là. L’argent Renge ne semblait pas être nécessaire, elle en était ravie. Le luxe et le volume des produits de sa région semblaient suffire à alimenter et remplir les étals du festival.

« Avons-nous, pour ces beaux jours de festival, des dates fixées ? » interrogeait-elle l’assemblée, afin de se concentrer sur quelque chose qui semblait bien plus digne d’intérêt, l’homme à ses côtés. D’un sourire tout autant aimable, elle se penchait vers lui, n’ayant de tout autant pas bougé sa main, se laissant ainsi tout le loisir futur de nourrir ses envies tactiles.  De même que son homologue, elle regardait l’assemblée, laissant s’afficher des joues roses et un sourire plus franc, accompagné d’un petit rire discret quand elle entendait les mots de celui qui se tenait à ses côtés. Glissant à nouveau le bout de ses doigts sur ceux de son voisin, elle ajoutait « A votre égard, en ce qui me concerne le protocole a depuis un long moment, été oublié… » sans le regarder, laissant planer une ombre de mystère sur ses propos, le sourire aux lèvres, caché de l’assemblée, laissant néanmoins son voisin l’observer, bougeant de nouveau ses doigts sur les siens.  

Elle posait son éventail sur ses cuisses pour prendre son thé. Elle trempait ses lèvres tout en quittant du regard la salle pour tourner son visage vers lui. Elle le toisait de bas en haut longuement en souriant d’un air songeur, puis retournait sa tête, toujours habillée d’un regard narquois. Enfin, elle posait sa tasse, goutant le thé déposé sur sa lippe, laissant une lèvre brillante et humide, le tout caché de l'assemblée par son éventail qu'elle avait repris dans sa main.

Dame Renge observait l’assistance, les regards entre les consultants et conseillers, leurs réactions, leur attention, leur concentration. L’après-midi était bien entamée et les genoux et chevilles de la jeune femme commençait à s’alourdir. La longueur de la réunion semblait se ressentir à la fois dans ses membres mais également dans son esprit. Plus aussi concentrée que plus tôt, son esprit s’éparpillait entre de multitudes de pensées, les paroles inintéressantes de certains et de réflexions plus croustillantes concernant son voisin.  Elle sentait son contact auprès d’elle se faire plus insistant et retenait plus difficilement son sourire.

Comme une adolescente qui cachait un fou-rire, elle tentait garder constance. Les mots de son homologue levant la séance pour aujourd’hui l’épargnait d’une souffrance plus forte encore à supporter les bavardages des uns et des autres. Bien qu’utiles, ceux-là ne la concernaient plus pour l’heure. Elle comptait sur un compte rendu des diverses conversations et propositions qui allaient être faites tout au long de l’après-midi, qu’on allait lui transmettre avant le lendemain. Elle n’attendait qu’une chose, se libérer de cette pièce et de pouvoir respirer un air plus frais des jardins entourant le palais, qu’elle avait pu qu’entrapercevoir jusqu’alors.

Elle ne bougeait pas ses mains, se laissant frissonner à ce rare contact. Cachant toujours son sourire derrière son éventail, elle regardait Ouka Torai du coin de l’œil, tournant un peu sa tête vers lui. « C’est absolument délicieux, vous devriez. » ponctuait-elle par un pincement des lèvres. « Vous devez absolument y gouter. » ajoutait-elle en s’approchant dangereusement de lui, presque de face, penchée vers la table « Votre plaisir est le mien, je suis sure que vous aller, tout comme moi, en savourer tous ses gouts et toute sa sapidité. ». D’une main prudente, elle saisissait la théière à disposition pour servir dans une tasse le breuvage tiède. Elle prenait les deux tasses de thé dans une main pour lentement les tendre vers son voisin. « Tenez. » ponctuait-elle d’un sourire, laissant le choix de prendre la tasse qu’il souhaitait. « Oh pardon, ce n’est peut-être pas que ce que vous souhaitiez ? » demandait-elle, camouflant à peine son ton faussement innocent.

« Très bien, nous reprendrons demain, pour discuter d’autres aspects de ces futures merveilleuses et fructueuses journées. Merci Ouka-dono, pour cette merveilleuse journée, riche en apprentissage et gaieté. Je me réjouis d’avance de partager avec vous plus tard paroles, repas, ou tout autre activité. » Disait-elle à l’attention de son homologue d’une voix plus forte, entendue par toute l’assemblée. Elle ponctuait ses mots par la fermeture dynamique de son éventail et son sourire figé, qu’elle donnait à la volée, bien différent de celui dessiné dans son intimité.

Le son de son éventail claquant la paume de ses mains avait sonné la fin de la réunion diplomatique. Les grands sujets entourant l’organisation du festival avaient été traités et seuls quelques menues questions restaient à être décidées. Soulagée, la Dame Renge soupirait de voir la salle se vider, petit à petit. Quelques rares duos restaient à discuter, à l’image des deux représentants de la fleur de cerisier et du lotus. Un calme reposant s’était emparé de la pièce, laissant aux jeunes gens toute la possibilité de parler librement. Elle souriait comme à son habitude à l’écoute des mots de Ouka Torai.

Il se relevait alors, ayant proposé une découverte des fastes jardins du palais Ouka. Kaguya avait entendu et lu dans plusieurs parchemins qu’ils avaient été confectionnés et réalisés par la sœur du Daimyo. La fibre naturaliste de Kaguya était piquée, fortement intéressée par la découverte des nombreuses plantes et arbustes siégeant dans les parterres du château local. Elle-même botaniste, peut-être que l’héritière Hasuzurui pourrait y découvrir quelques plantes ou au moins, en admirer celles ne pouvant prospérer en ses terres plus… inhospitalières pour des espèces appréciant une température plus chaude et un soleil plus radieux.

Quoi qu’il en soit, c’était au tour de la Dame aux lotus de se lever. Lentement mais sûrement, elle s’appuyait sur le rebord de la table pour soulever ses cuisses. Une fois cela fait, elle prenait un instant pour sentir le sang couler dans ses chevilles, la sensation désagréables des milliers de fourmis parcourant chacun de ses orteils se faisant ressentir, en plus d’une piquante douleur au niveau d’un de ses talons. Quelques mouvements de pieds plus tard, en s’appuyant toujours sur la surface de bois elle retournait ses pieds, la pointe de ses pieds retrouvant ainsi la surface du sol. D’un mouvement gracieux, elle s’élançait verticalement, étendant toute la longueur de ses jambes. Une fois debout, elle souriait de nouveau à son homologue « Je serai ravie de continuer nos précieuses conversations au cœur des jardins Ouka. Ainsi, nous pourrons confirmer l’étendue de l’amitié qui semble si bien se tendre entre Renge et Sakura. »

Sur ces mots finaux, un vertige déstabilisait l’équilibre précaire de Kaguya. Peut-être s’était élancée trop vite, mais son crane était pris d'une forte douleur et ses yeux d’une vision trouble, accompagné d'une désagréable sensation de flottement dans tout son corps. Elle fit un pas sur le côté. Or, la sensation douloureuse d’un membre manquant mélée à une absence de force momentanée composant son membre rendait inutile toute tentative de reprendre constance. Elle se sentait chuter. Ses bras étaient alors sa seule planche de salut dans ce naufrage. Elle s’accrochait alors à la seule chose bien disposée à la retenir dans cette infortune perdition : le daimyo sakura lui-même. « Toutes mes excuses, Ouka-dono. Je pense qu’il me faut avant de s’élancer dans une faste marche, il me faut un peu de repos. Quelques minutes me suffiront, je suis navrée vous faire défaut. » disait-elle toujours agrippée à lui.  

Le regard perdu sur une surface saisie au hasard, elle projetait sa conscience et son énergie pour tenir debout, tentant de reprendre le peu de conscience qui lui restait en ses jambes et ses forces pour garder l’équilibre précaire gracieusement offert par l’appui procuré par le bras du Daimyo tenu à ses côtés. Ses joues contrastaient avec la pâleur extrême de sa peau, virant presque à ce que l’on pourrait trouver au cœur des agrumes, sanguines et presque écarlates. Quelques gouttes perlaient au creux de sa nuque, glissant par-delà l’encolure de son kimono, rejoignant les profondeurs de sa tenue, s’effaçant finalement dans les plis de son obi.

Le battement de son cœur était étonnamment lent, malgré sa posture tout à fait embarrassante, logée dans les bras de son homologue, portée telle une poupée de chiffon. Elle ne savait comment réagir face à cet agissement allant au-delà de ce qu’elle avait imaginé. Si déjouer les règles du protocole l’amusait, gardant toujours une surface lisse et présentable, il était clair que la position dans laquelle elle se trouvait était bien loin de ce que le code de la bienséance prévoyait, la laissant dans un mutisme que l’on penserait habituel. Son visage était figé dans une incompréhension totale, l’esprit ralenti par l’inconfort de son inconstance et de son métabolisme. Elle n’osait pas même croiser le regard de son porteur, la proximité entre son visage et le sien rappelant une intimité évoquée plus tôt… qu’elle n’osait renouveler.

Elle agitait la tête quand celui-ci proposait de visiter les jardins, acceptant sans aucune réflexion. Ses iris se posaient sur ses suivantes et protecteurs, aussi déconcertés qu’elle, attentifs à ses gestes et son bien-être. Elle le laissait faire, n’osant guère agir à son encontre. Elle déglutissait finalement, afin de répondre aux mots de son hôte, l’ayant bien gentiment rapportée à ses quartiers. Elle espérait que cet évènement ne devienne pas le sujet de bruits à la Cour, ni même ici. Si son état était de notoriété publique, elle ne souhaitait guère faire l’objet de commérages quant à ce qui avait suivi, notamment de sa présence aussi près du seigneur Ouka.

Maintenant devant ses appartements, il la reposait sur les tatamis composant le sol, reprenant l’équilibre, s’appuyant sur la surface de bois et de riz des murs. « Je vais mieux, merci. » disait-elle, la voix faible et en soufflottant. Elle épongeait de nouveau son front avec un mouchoir, ne croisant toujours par les yeux de son porteur. « Toutes mes excuses concernant mon état et ma maladie. J’espère ne pas vous avoir causé trop d’ennuis. » Son dos s’étendait, reprenant une posture droite et digne, un temps toutes deux perdues. Une longue inspiration plus tard, une main replaçant vers l'arrière une mèche de cheveux rose tombant sur son visage, elle reprenait : « J’en serai ravie… Je ne pense pas que cela soit convenable, cela-dit. Je crains que le voyage n’ait aggravé chez moi ma naturelle cachexie. Il sera de bon ton de se revoir demain, quand j’aurai retrouvé vigueur et énergie. » Elle se tournait vers l’encadrement de la porte, touchant de ses mains la poignée verticale, tirant sur la droite, laissant apparaitre de quelques centimètres l’intérieur de la chambre. « Je vous souhaite une bonne fin d’après-midi et une délicieuse nuit. » Elle saluait de sa tête, disparaissant finalement dans la pièce, laissant échapper un sourire navré vers son accompagnant, regrettant le jeu amoureux et enivrant installé plus tôt. Dans un soupir, elle annonçait l'amertume de son être et la saveur de ses songes.