[CLOS] Un ironique destin.. ou une rencontre prédestinée ? [ Ft. Suzuki Yoshikage ]

Envoyé comme messager par son père pour délivrer un courrier important à des amis à la capitale, on lui avait dit qu'il pouvait rester quelques temps dans les environs pour visiter. Ayant déjà exploré Ômikamiseki il y a deux ans, Yoshikage décida de descendre jusqu'à Yanagiko. Il était en âge où tout ce qui était interdit ou prohibé l'attiraient. Et il savait qu'il trouverait son bonheur dans ce coin à si mauvaise réputation. Il n'avait sur lui que quelques pièces, au cas où il se ferait agresser mais il comptait les dépenser judicieusement. Peut être en les misant dans une partie de cartes.

Mais en arrivant, les rumeurs d'un Yokaï solitaire arrivèrent jusqu'à ses oreilles et sa curiosité si insatiable le poussa à le rechercher. Il ne songea pas un instant qu'il ne le trouverait jamais. Non, il était encore sous l'influence de la fameuse insouciance de la jeunesse. Il déambulait donc dans les rues, se fiant à son instinct et, il faut bien l'avouer, surtout au hasard.

Et il fut récompensé. Au détour d'une ruelle, il la vit, avachie contre un mur et l'air en mauvaise santé. Malgré sa pâleur alarmante, il la trouva très belle. En s'approchant aussi doucement que possible, il remarqua ses cornes et s'arrêta brusquement. Des cornes ? C'était un oni ? Pris de doute, Yoshikage songea à faire demi-tour mais elle semblait si faible. Hauts les coeurs ! Il n'aurait qu'à s'enfuir si elle montrait le moindre signe d'agressivité. Et puis, elle avait un si joli visage ! Il ne pouvait pas résister aux jolis minois.

"Excusez moi..." Commença-t-il d'une voix douce pour ne pas l'effrayer, "mais tout va bien ? Vous n'avez pas l'air en forme, vous avez besoin de quelque chose ?

Il s'agenouilla à quelques pas d'elle. Si elle était blessée, elle risquerait de prendre peur. Le jeune homme avait l'impression d'être face un animal sauvage : dangereux, imprévisible mais puissant et élégant. La comparaison était parfaite pour décrire la femme en face de lui. Il avisa ses armes et il songea qu'elle devait être bien plus forte qu'elle n'en paraissait.

En la voyant se redresser, le jeune homme eut un mouvement de recul. Mais, bien qu'il n'ait pas une ouïe particulièrement plus développée que le commun des mortels, il entendit sans peine les protestations du ventre de la Yokaï. Il sourit légèrement en comprenant le problème de la femme. Son ton cassant le surpris quelque peu mais il le mit sur le compte de la mauvaise humeur dû à la faim. Mais, sa question le surprit : la mort ? Il étouffa le rire qu'il sentait venir, songeant que ça n'aiderait pas beaucoup à la conversation. Elle avait beau tenir son arme, c'était évident qu'elle n'avait plus la force de le manier. Mais Yoshikage n'était pas armé, il n'avait même pas son arc. Mais non, actuellement, la mort n'était pas des plus effrayante. Bien sûr, il serait assez déçu de mourir si jeune mais le bon point, c'est qu'il serait tué de la main d'une belle femme !

"La mort ? Ce n'est pas moi qui suis sur le point de mourir de faim. Car c'est là votre problème, n'est-ce pas ?"

Etait-ce par fierté qu'elle réagissait de la sorte ? Elle ne supportait pas d'être vue pendant un moment de faiblesse ? Mais Yoshikage ne pouvait pas laisser là ! Elle pourrait lui cracher dessus en l'insultant, il ne pouvait pas laisser quelqu'un mourir de faim alors qu'il avait la possibilité d'y remédier.

"Je m'appelle Suzuki Yoshikage, même si je suis effectivement un humain. Si vous le souhaitez, je peux aller vous acheter de la nourriture, qu'en dites vous ? Je ne vous veux aucun mal, n'ayez pas peur."


Il lui offrit un sourire rassurant et tendit la main vers elle, dans l'idée de l'effleurer pour la rassurer.

"Vous voulez m'accompagnez ou vous préférez attendre ici ? Je serai rapide, j'ai vu un marchand de beignet aux légumes pas loin."

Bien qu'il n'y avait rien d'amusant, Yoshikage s'amusait de la situation. D'un côté, il y avait cette Yokaï épuisée et affamée qui, malgré tout, avait un caractère taciturne et encline à l'ironie. De l'autre, un humain qui ne se démarquait pas par son physique ou ses aptitudes mais par son étonnante compassion et son empathie presque à toute épreuve. L'une était méfiante des attentions de l'autre. L'autre voudrait simplement aider car c'est dans sa nature.

"Je ne suis pas là par pitié mais par curiosité. Je vais être honnête, j'ai entendu parler de vous et je voulais voir à quoi vous ressembliez. Mais maintenant, je ne peux pas vous laisser comme ça, à mourir de faim ! Je ne veux pas vous inspirer de la peur. Je n'y arriverais pas, de toute façon. Mais c'est normal que vous soyez méfiante, c'est tout."

Sa déclaration, comme quoi elle était une meurtrière, ébranla quelque peu sa conviction de l'aider. Mais, il ne savait rien des raisons qui l'avaient poussé à cet acte et il se gardait bien de la juger pour cela. Mais, son insistance sur le "des tas" le mis mal à l'aise et il décida qu'il éviterait de trop s'approcher d'elle. Et lorsqu'il la vit s'assoir pour l'attendre, son sourire revint s'épanouir sur ses lèvres, chassant toutes inquiétudes. Après lui avoir lancé un joyeux "je reviens !", il courut retrouver le marchand. Son expérience de chasseur avait développé son sens de l'orientation et il n'avait pas peur de ne pas la retrouver. Il fila donc à pleine vitesse dans les rues, basculant parfois un passant et s'excusant au passage. Mais la perspective de gagner la confiance de la Yokaï l'excitait trop pour qu'il fasse attention.

Lorsqu'il arriva devant le stand de beignets, il en acheta trois. Une odeur de viande l'attira et il dépensa ce qu'il lui restait dans des brochettes. Une fois chargé des victuailles, il reprit le chemin le menant vers la femme. Cette fois-ci, il fut plus prudent, ne voulant pas faire tomber la nourriture toute chaude. Il avait l'eau à la bouche et il était persuadé que la Yokaï allait se régaler. Lorsqu'il arriva dans la ruelle qui servait de cachette, il s'annonça pour prévenir la Yokaï :

"C'est moi, Yoshikage ! Je suis de retour avec plein de bonnes choses."

Tout souriant, il s'approcha pour étaler devant lui la nourriture.

"Je reviens" Criait le jeune homme en s'éloignant.

Il sentit le changement d'atmosphère avant même d'arriver dans la petite cour qui abritait la yokai. Après tout, il s'était entrainé longtemps pour reconnaitre ce moment où la tranquille quiétude laissait la place à l'attente. C'était le moment où le chasseur trouvait sa proie, la traque allait débuter. Le jeune noble laissa son sourire mourir et s'approcha doucement. Alors, il vit les deux hommes à terre, mal en point et inconscient. Il releva la tête et examina la femme, son air blasé et chercha des blessures. Elle avait quelques coupures superficielles mais ne semblait pas en plus mauvais état que quand il l'avait laissé. Clairement, elle leur avait mis la misère et Yoshikage était impressionné. Et méfient, il ne faut pas se mentir.

Il contourna largement les deux hommes et s'arrêta à bonne distance de la yokai. Il posa la nourriture entre eux deux comme une offrande, ou une protection au cas où elle s'énerverait encore.

"Est-ce que vous les avez attaqué en première ? Ou c'était de la légitime défense ? Non pas que ça change grand chose, maintenant."

Il jeta un coup d'oeil vers les deux inconscient en se demandant s'il allait subir le même sort. Tout à coup, il ne se sentait plus aussi confiant.

"C'est que j'ai pas envie de finir comme eux alors si je vous dérange, j'aime autant le savoir. Je vous laisse reprendre des forces tranquillement et je repars."

Yoshikage se relevait déjà, anticipant un mouvement de la part de la femme. Ses paroles, comme quoi elle avait déjà souvent tué, lui revinrent en tête. Pourquoi n'avait-il pas pris une arme ? Son arc, au moins ! Quel idiot.

Yoshikage ne bougea pas d'un poils le temps que la femme se nourrisse. Est-ce qu'elle allait finir par répondre ou elle se contentait de manger ce qu'il lui avait apporté. Il sentit un étrange sentiment se déverser dans ses veines, un sentiment qu'il n'avait pas l'habitude de ressentir : l'amertume. Elle avait profité de sa naïveté et de sa gentillesse. Elle se gavait grâce à lui, il la regardait faire, sans savoir s'il devait fuir, lui demander des comptes ou attendre comme un idiot qu'elle daigne lui accorder de son attention.

Et avant qu'il n'ait eu le temps de faire un choix, la Yokai finit par lui répondre, le rendant perplexe. Bien sûr que le jeune homme se souciait des hommes à terre, s'ils étaient innocents et victimes de la colère de la furie en face de lui. Mais, en entendant la suite, il revit son jugement. Alors, c'était eux qui l'avaient agressé ? Donc, c'était bien de la légitime défense, et Yoshikage n'avait pas à s'en soucier.

"Je n'ai rien à ajouter. Vous étiez dans votre droit."

Bien qu'il soit quelque peu rassuré sur les intentions agressives de la Kijo, il restait cette impression d'être l'idiot du coin. Mais, encore une fois, il fut surpris. Il regarda, interloqué, la main tendue avec les restes. Et la dernière phrase de la femme acheva de le convaincre qu'il s'était fait des idées. Elle lui était reconnaissante de l'avoir aidé, du moins, c'est ce qu'il pensait. Avec un grand sourire, il prit les brochettes et elle referma les bras contre sa poitrine.

"C'est que vous êtes impressionnante, euh..."Il s'interrompit en réalisant qu'il ne savait même pas comment se faisait appeler la kijo. Et puis, c'était la moindre des choses que de vous aider. Vous étiez dans le besoin et j'avais la possibilité d'y remédier."

Il se mit à grignoter la viande avec plaisir, fier d'avoir fait une bonne action et satisfait d'avoir pu rencontrer un Yokai. Il aimerait bien continuer à échanger avec elle mais il n'arrivait pas à savoir s'il devait partir ou non. Elle était si dure à déchiffrer ! Sans s'en rendre, il se mit à trépigner en s'approchant un peu.