Dans l'ombre des arbres les hitodamas dansent. [PV Chihaku]

Murasaki ne fut nullement choquée de savoir que la réponse était négative. Il n'y avait que deux genres d'individus qui auraient acceptés, ceux désirant simplement la compagnie d'une belle femme et ceux dont l'ego était bien trop immense pour se rendre compte que cette femme cachait quelque chose qui pouvait être terriblement dangereux, bien plus qu'une simple rose garnie de piquant.

Elle ne fut pas insensible à ce rire, pensant qu'il se moquait ou qu'il riait d'avoir refusé d'un chemin qui pouvait déceler bien des pièges. Murasaki ne pouvait lire dans les esprits et l'expression toujours joyeuse était quelques choses qui dérangeait la créature. Elle ne pouvait pas bien le cerner, peut-être était-elle trop idiote ou trop inhumaine pour pouvoir comprendre ce genre d'attitude.

Quoi qu'il en soit, elle vint à écouter la justification de sa réponse. La yokai pouvait saluer l'intelligence de Chihaku. Il faisait preuve de prudence et ne semblait pas être le genre de rongeur à passer son nez là où l'on ne devrait pas. Elle observait le regard sur la viande qui cuisait et se mit enfin à faire de plus ample mouvement, sortant la viande du feu, tout en venant à dire.

- Je comprends parfaitement, une sage décision digne de vos ancêtres.

Murasaki se mit à tendre une des brochettes de viande à Chihaku.

- Vous semblez être un ... homme aimant la beauté, mais n'êtes-vous pas simplement attiré par l'exotisme de mon apparence ?

La créature savait que son apparence n'était pas normale, pouvant inspirer la peur comme la contemplation. Elle se mit à mordre dans son morceau de viande, prenant une petite bouchée. La saveur de la viande cuite était toujours quelque chose qui la faisait vibrer. Murasaki allait se forcer pour finir sa part.

En temps normal, elle aurait mangé en deux fois. Mais même en justifiant d'un appétit d'oiseau, elle ne pouvait qu'attirer des soupçons.

Murasaki ouvrit un peu les yeux en se faisant dire qu'elle avait du charme. Elle n'arrivait pas vraiment à comprendre ce qui était beau chez elle. Une chevelure et des yeux qui faisaient penser aux lames versant le sang, une peau qui trahissait des origines assez mineur en ses terres. Elle comprit rapidement que le faire de parler moins et sourire plus était à son égard.

Taire sa pensée n'était pas quelque chose qu'elle savait faire aisément. Il y avait soit une réponse franche, soit un silence, pas d'entre-deux chez elle. Murasaki n'aimait pas cacher sa pensée, trouvant en cela quelque chose d'honteux, ne souhaitant surtout pas être ce genre d'individu quand son katana s'éveillera. Pour la créature, il était inconcevable de sourire comme Chihaku faisait, cela tirait sur la mâchoire et porter un masque souriant était pour elle cacher ses sentiments.  Cette rigidité était-elle liée au fait qu'elle était une arme, quelque chose qui ne peut pas changer de forme aisément ou cacher les intentions de blesser une fois sortie de son fourreau.

Cet homme était assez étrange au final, mais il n'avait rien de désagréable, une honnêteté soigneusement pesée pour ne pas s'exposer aux coups, elle osait même imaginer que cet homme aurait pu être un bouclier voire une balance, s'il avait été un Tsukumogami.
Elle ne fut pas sourde au fait qu'il faisait confiance, ni au fait d'avoir encore à apprendre, la créature décidant de laisser le bénéfice du doute et oser se détendre.  

Murasaki observait cette main qui se levait, ne comprenant pas ce qu'il espérait faire avec cette dernière et la voir se poser.  La créature avait les épaules moins rigide, ce qui pouvait indiquer à l'homme que sa compagne de ce soir était un peu plus ouverte à sa présence et ses propos.

La yokai ne savait pas trop ce qu'elle pouvait tellement lui offrir de plus, il y avait assez de chaleur avec le feu, l'estomac serait quelque peu nourrit. Elle se doutait qu'elle ne puisse pas mener loin une conversation. Elle eut un petit sourire gêné en se disant qu'un humain semblait plus instruit qu'elle. C'était assez gênant pour la yokai.  

Elle vint donc à opter pour continuer de manger sa part doucement. Murasaki en profitait pour observer les armes de Chihaku, semblant avoir un ensemble bien entretenu, en se basant sur l'état des fourreaux.

Murasaki n'avait pas spécialement fait attention aux particularités du wakisashi, ne pas avoir de tsuba était un choix fait par le manieur. Elle ne pouvait que supposer des choses, comme un poids plus léger, des type de mouvement inaccessible, qui sait comment un manieur manipule son arme.
Sa réflexion fut subitement interrompue par le contact sur le haut de sa tête, tournant le regard vers l'homme, avant de se braquer sur le feu pour ne pas trop montrer son trouble.

Ce genre de geste, elle ne l'avait pas connu depuis son errance et cela était à la fois gênant et réconfortant, sentir une main chaude diffuser sa chaleur bienveillante. Elle ne put réprimer en entendant le nom des Renges, étant pour elle le pire clan qu'elle avait dû combattre lors de la chute.
Vint la remarque qui fâche, son physique. Elle n'était pas spécialement amoureuse du jour, on y voyait trop bien, la différence était bien plus facilement exposée et surtout sa tenue noire était tout le temps chaud. Elle préférait de loin la nuit, peu de vie, peu de difficulté à déceler l'errant nocturne du bandit et une excellente vision de potentielle patrouille.

Elle continua à manger doucement sa part, ayant un autre frisson en sentant cette main se mouvoir et caresser sa chevelure, comme elle avait pu voir des humaines le faire à leurs progénitures. Murasaki ne savait pas trop à quoi ce geste rimait.

Elle écoutait toujours les propos de Chihaku, se forçant à fixer le feu, ses joues prenant de légères couleurs. C'était très bizarre pour elle, mais elle n'en trouvait aucune hostilité ou aucun mal.

Elle avait évité au possible les contacts avec les personnes et ne se trouvait pas spécialement lente à apprendre. Elle avait un peu de mal avec la vision de l'homme, mais cela restait assez normal, elle réduisait les conversations au minimum, limitait les interactions, aussi n'avait-elle pas les mêmes outils que Chihaku.

Murasaki vint à trouver un moment pour répondre à tout cela en profitant du rire, même si elle ne semblait pas très à l'aise au son de sa voix, la main caressant sa tête y étant pour beaucoup.

- Je ne suis cette "beauté" que depuis peu, un mauvais tour certainement d'un yokai.

Elle n'aimait pas rejeter la faute sur un yokai imaginaire, mais c'était l'un des rares mensonges qu'elle employait pour justifier son apparence.

- Vous avez dû avoir beaucoup de rencontres pour être aussi instruit.

Murasaki vint à observer l'objet qu'il sortait instinctivement, voyant une flûte noire. Elle n'était cependant pas assez observatrice et connaisseuse pour se rendre compte que la couleur était récente. Elle laissait l'homme tenter de lisser sa chevelure, même sir quelques mèches refusaient obstinément de reprendre une ligne droite, restant fourchue ou ondulée.

Elle avait une légère crainte quand la première question se fit entendre, était-il de ceux qui avaient vu à travers son mensonge ? Elle était d'accord sur le fait que l'on ne pouvait changer sa nature profonde, on pouvait lutter contre ... essayer de la cacher, mais la vérité finissait toujours à toquer à la porte de la raison.
Murasaki trouvait Chihaku très étrange, il n'était pas curieux et semblait avoir les mots qui mouchaient l'esprit. La créature ne savait pas trop quoi répondre. Si elle voulait faire relativiser les mots de son compagnon, elle n'aurait qu'à utiliser son pouvoir. Mais, il ne faisait rien de mal, juste parler et visiblement se contenter de l'instant et non des souvenir ou des prédictions.

Quand les premières notes de la flûte se mirent à raisonner, Murasaki et un frisson dans tout son corps, venant à saisir doucement ses bras. Elle ne connaissait pas l'air et avait l'impression que son corps frissonnait comme les jours d'hivers, alors que l'air n'était pas si froid que ça. Elle n'arrivait pas à comprendre la réaction de son corps, elle n'arrivait pas à comprendre qu'elle était portée par cette mélodie.

D'ailleurs sur son visage, on voyait un peu sa confusion, se frottant un peu les bras, comme pour chasser ce frisson.

La tsukumogami ne savait pas trop quoi penser de cette sensation, qui vint à s'estomper quand le son de la flûte ne vibrait plus dans l'air, retrouvant cette main qui se posait sur sa tête. Elle écoutait les propos de Chihaku et ne savait pas trop quoi répondre à la question.

Les frissons n'avaient rien eu de mauvais, mais elle ne savait pas trop comment qualifier cette sensation ... mélancolie ? Simple plaisir encore inconnu. Elle était pantoise et réfléchissait énormément, alors que sa chevelure se faisait à nouveau caresser.

Murasaki devait pourtant fournir une réponse et c'est, sous une voix hésitante, comme si elle marchait sur des oeufs, qu'elle tentât de formuler une réponse.

- Je ne sais pas ... c'est étrange. Mon corps a frissonné sans qu'il ne fasse froid ... Ce n'était pas quelque chose de désagréable, mais je n'arrive pas à trouver les mots pour qualifier ce que j'ai ressenti ...

La yokai était un peu déboussolée par cette expérience, sans repère, elle se trouvait comme désarmée. Elle aurait pu écouter longuement la musique, ça, elle le savait. Il y avait-il une touche de surnaturel ? Ou alors n'est que la vie de mercenaire de son ancien possesseur qui lui avait éviter ce genre d'expérience utile, afin d'apprécier la musique et les bonnes choses.

Comme pour se rassurer un peu elle se mit à saisir le fourreau d'Hiiro no Yuki. Il n'y avait aucunement de l'animosité dans le geste, plus une image similaire à une enfant qui saisit un objet cher pour retrouver un état calme, raisonnée.