[CLOS] J'vais réchauffer ton sourire !

J’VAIS RÉCHAUFFER TON SOURIRE !

L’enthousiasme de Kaguya pour les volatiles étira un sourire attendri sur les traits de Gemmei. Elle ouvrit grand son œil unique, le fond de ses iris incarnats brillants de curiosité. La Samurai ne comprenait pas tant de choses, néanmoins elle s’intéressait à tout. La joie et la passion étaient deux des émotions qu’il était le plus facile de lui partager. Elle avait l’impression de ressentir l’emballement de sa cousine. D’une certaine manière, elle faisait sien cet engouement, s’émerveillant comme une enfant en imaginant le plumage merveilleux des aigles décrits. Sa bouche s’entrouvit d’admiration lorsqu’elle se représentait le rapace attraper une chèvre. Elle siffla puis opina du chef de temps en temps pour montrer son intérêt.

« Tout c’que t’aimes, j’l’aime aussi ! Tu sais plein de choses. C’est impressionnant ! Autant toi que l’aigle impérial. » ajouta-t-elle avec un sourire tendre.

La Sakura tourna la tête en direction du paysage, une fois de plus. Néanmoins, dorénavant, son œil valide pétillait. Elle espérait en voir un. Le frisson de son interlocutrice ramena son attention sur elle.

« Non, non, sortons. Faudrait pas qu’tu tombes malade. »

Elle semblait déjà si mal au point. Toutefois, Gemmei ne put se résoudre à prononcer ces mots. Elle sortit du bain en première pour laisser plus de place et donc d’aise à Kaguya. Les suivantes de la Dame étaient très réactives ; elles venaient déjà s’occuper de leur maîtresse. L’adoptée Takegi attrapa la serviette tendue et commença à s’essuyer. Du même temps, souriant toujours, elle répondit :

« Je pars après-demain. Jusque là, j’peux être avec toi tout c’que tu veux. » Elle leva son regard sur son amie. « Enfin, de c’que ton emploi du temps permet. J’me doute bien que tu es très occupée, Dame Renge ! » Elle ricana. « J’sais pas si j’serai capable de voir des aigles avant d’crever d’froid ! Ça caille dans les sommets d’ici. »

Les yeux de Kaguya faisaient penser à un ciel étoilé. Naturellement, cela fit fondre la bushi rose dont toute l’affection se voyait sur son expression amusée.

« Il faut juste éviter que je croise trop de monde, non ? T’as un meilleur cerveau que moi, tu m’dis c’que tu penses être le plus intelligent ! »

Elle baissa son regard cette fois pour récupérer ses affaires afin de commencer à se rhabiller.

« Oh que ouais j’me rappelle du poisson que j’ai mangé ici la dernière fois. Ça s’oublie pas ! » Elle pouffa en nouant son hakama. « J’déjeune volontiers avec toi. L’repas en sera que meilleur ! » Soucieuse malgré elle, Gemmei reposa un œil inquiet sur la Dame. « Ça posera pas problème ? »

L’eau ruisselait sur la peau laiteuse de la Dame en de petits courants irréguliers, passant par l’arrière des genoux, laissant au passage des gouttes isolées, reflétant à leur tour la blancheur inégalée de la peau de la jeune femme et de la neige environnante. Dans un camaïeu de blanc, rejoint par les épaisses serviettes recouvrant les frêles épaules de celle qui sortait tout juste du bain, sa peau frissonnait par le vent venant s’abattre sur le derme des baigneuses. Les longues mèches de cheveux, roses et vertes en venaient presque à se trouver pour certaines qui n’étaient pas enfermées dans ce qui permettait de les tenir sur le haut du crâne, à l’horizontale. Dans cette bourrasque surprenante, la femme se hâtait à rentrer dans un espace couvert, à l’abris des éléments.

Soupirant, la Dame répondait sans retenue, les pensées dépassant la barrière de ses lèvres, s’exaspérant de sa propre condition : « … Un peu plus ou un peu moins malade, tu sais… » marmonnait-elle, avant de se rendre compte qu’elle avait prononcé les mots siégeant en son esprit. Sentant les visages figés du personnel et craignant une réaction négative de sa cousine, elle souriait, un peu gênée. « Eh bien je serais ravie de déjeuner avec toi notre célèbre poisson… Frais. » se rappelant qu’elles n’étaient plus vraiment seules. « J’irai me reposer après notre repas, puis je travaillerai. » continuait-elle alors que l’on épongeait doucement le corps mouillé de l’épée Renge. L’on attrapait sa longue chevelure pour la peigner, délicatement, laissant finalement celle-ci dépouillée de tout artifice, chutant en une interminable cascade de parme et d’émeraude sur les vêtements accumulés que l’on lui avait remit sur les épaules.

« Tu pourras donc après manger aller voir ces aigles qui semblent avoir piqué ton intérêt ! » disait-elle, s’approchant de l’encadrement de la porte, attendant sa cousine. « Tu voudras d’ailleurs peut-être voir Kintaro, Gemmei ? » demandait-elle, se retenant de grimacer à l’évocation du prénom de son frère. « J’ai beau être en froid avec lui, si tu souhaites passer du temps avec lui, je t’en prie, fait. » essayait-elle de tempérer, alors qu'elle commençait à se déplacer au travers de ses appartements jusqu’à un autre salon privé, où était déjà installé une table avec les couverts. Seul le repas était absent, les cuisiniers attendant sûrement l’arrivée des deux convives. « Il faudra que je te fasse préparer une chambre, en secret. » pensait la Dame, tout haut, en s’asseyant sur l’un des coussins.

Quelques minutes plus tard, un homme et une femme venaient, les mains garnies de plateaux recouverts d’assiettes en bois. Dans celles-ci se trouvaient une large palette de couleurs, à tel point que l’on pouvait croire un instant à ce que l’on pouvait trouver dans les mains d’un peintre. Les touches d’encre colorées étaient roses et rouges, mais également blanches. A d’autres endroits, se trouvaient quelques bols, contenant une soupe brulante de miso, où flottaient de larges morceaux de tofu frais et de nombreuses feuilles l’algues, saupoudrées de garnitures alléchantes. Un large plat terminait la procession en une exaltante apparition, dans les mains d’une autre femme, un peu plus tardivement. Fermé d’abord, elle soulevait le couvercle, laissant apparaitre une épaisse vapeur. Le contenu était simple, se trouvant là finalement qu’une épaisse couche de riz cuit. Le personnel installait les assiettes devant les deux cousines, qui pouvaient apprécier les odeurs multiples des différents plats qui leur étaient présentés. Finalement une grande carafe ponctuait la longue installation, noire et violette. L’homme servait deux coupes, permettant ainsi aux deux bushi le loisir de tremper les lèvres dans le saké qui nul doute plairait à celle qui ne pourrait l’admirer que d’un œil.

« Eh bien… De quoi parler… ? Je manque de sujets ! »

J’VAIS RÉCHAUFFER TON SOURIRE !

« C’pas une raison ! » s’était exclamée l’adoptée Takegi en ricanant, lorsque sa cousine avait déclaré que la différence de maladie serait minime. Elle avait pris la chose avec légèreté malgré une inquiétude audible d’un léger trouble dans le timbre de sa voix. Elle remarqua également que les visages rivés sur Kaguya avait fait reprendre sa drôle de manière de parler. Gemmei avait toujours trouvé ça joli et impressionnant sans vraiment en comprendre la beauté : c’était trop raffiné, selon elle. Ce qui ajoutait un charme magnifique à la Dame du Lotus ; un enchantement visible au travers d’iris attendris posés sur son interlocutrice, un fin sourire dessiné sur ses lèvres.

« Super ! » s’enthousiasma la Sakura en ceinturant son haramaki. « Promis je mangerai correctement ! » plaisanta-t-elle en référence aux mauvaises manières dont elle avait volontairement fait preuve enfant.

On l’aida à peigner sa chevelure, qui était rarement aussi démêlée qu’à présent. Ses cheveux avaient tendance à onduler avec l’humidité, ce qui empêchait des mèches parfaitement lisses. Néanmoins, ce soin apporté à son apparence lui donnait immédiatement un air plus féminin, moins rustre. Jusqu’à ce qu’elle tourne la tête, offrant la vue de son visage balafré. Elle attacha son cache-oeil et regarda sa cousine. Elle réfléchit un très court instant, l’oeil rond, avant de répondre :

« Bah, non, pas vraiment. » Souriant candidement à pleine dents, elle s’expliqua aussitôt : « Y’a que toi qui compte. »

Il n’y avait pas tant de personnes avec qui Gemmei avait été proche dans le palais Hasuzurui. Après l’exécution de son premier ami, elle avait évité tout contact prolongé avec les autres. Pas réellement murée dans la solitude et pourtant liée à personne. Kaguya avait toujours formé une exception. Un peu comme sa grande sœur et sa meilleure amie, la seule personne qui lui avait créé du regret dans toute sa vie. Le fait que la Dame soit en froid avec son frère suffisait à l’adoptée Takegi pour se dire qu’elle devait éviter de le voir. C’était un raisonnement simplet démontrant néanmoins l’étendue de sa confiance envers Kaguya.
Elle n’avait pas totalement fini de se préparer mais suivit tout de même son aînée au travers de ses appartements. La bushi rose reprit donc sa place, face à son interlocutrice.

« Eheh, j’ai l’impression d’être en mission secrète ! » fanfaronna-t-elle en terminant d’attacher ses cheveux. Se cacher dans une chambre préparée rien que pour elle, à l’abri des regards, avait quelque chose d’excitant et amusant.

Le repas fut rapidement apporté avec une farandole de couleurs et probablement de saveurs. La simple vue des mets fit saliver Gemmei, si bien qu’elle s’essuya la commissure des lèvres en ravalant bruyamment sa bave. Elle marmonna un « pardon » en esquissant un air navré avant d’ajouter : « Purée, ça sent bon ! »

Elle ne tarda pas à se jeter sur son verre, dont elle avait déjà senti l’odeur du saké. Elle ne le but pas tout de suite, cependant ; elle avait un minimum de respect pour sa cousine, ainsi que pour l’alcool en question. Elle leva son regard sur Kaguya en ricanant.

« Comment ça, tu n’as rien à me raconter ? » Elle rit un peu plus en s’affalant sur son zabuton, légèrement penchée en arrière et sa coupelle toujours en main. « J’manque pas d’sujets mais lequel choisir ? » Soudain, une exclamation. « Ha ! » Puis une suite. « J’ai entendu dire qu’un festival un peu spécial se profilait chez nous, enfin, à la capitale Sakura quoi. Apparemment Ouka-sama aimerait inviter un max de gens des aut’ clans, notamment des gens importants. Tu vas y aller ? »

Bien évidemment, derrière cette question se profilait de nombreux espoirs d’escapades promises.

Le repas étant servi, les odeurs prenant place dans la pièce et les sourires habillant les visages, il n’y avait plus qu’à commencer à consommer. Le personnel de maison s’étant comme évaporé, seules les deux natives Renge siégeaient dans cette pièce aux doux effluves. Le spectacle coloré et raffiné déposé sur la table centrale de la pièce donnait presque de l’appétit à la Dame, voyant ainsi les poissons à la chair brillante et éclatante. Il ne fallut pas bien longtemps à l’héritière Hasuzurui pour commencer son repas, permettant ainsi à son invitée à faire de même. Naturellement, la femme aux cheveux de parme commençait par ce que sa cousine attendait le plus : la boisson. Levant ainsi le récipient d’alcool incolore, Kaguya laissait comprendre l’envie de trinquer les retrouvailles. « Je te laisse trouver à quoi fait-on honneur, aujourd’hui. » disait-elle, en souriant.

Une fois les céramiques éventuellement claquées entre elles, pouvant faire raisonner dans toute la pièce son délicieux chant délicat et sonore et laissant les quelques gouttes du breuvage se mélanger entre les deux coupes, la Dame trempait ses lèvres dans le contenant, buvant à peine une gorgée, pour finalement poser dans un silence feutré, faisant écho aux jardins entourant le palais Hasuzurui. « Tu peux bien manger comme tu veux, je suis bien la première à savoir que manger comme l’exige l’étiquette peut être épuisant ! » rassurait la Dame.

Kaguya, de ses longs fins doigts prenait les longues baguettes composées de bois Renge, pour joindre ses deux mains autour d’elles, pour prononcer doucement « Idatakimasu. » ses longs cils caressant les cernes violets parcourant le bas de ses yeux verts. Gardant les longues pièces de bois fines dans sa main droite, elle prenait de l’autre main le petit bol de porcelaine où gisait un bouillon marron clair au milles étoiles vertes et quelques grands astres blancs découpés en cubes. Respirant en buvant, échappant un nouveau chant à la fois liquide et aérien de l’aspiration du liquide, tiédissant alors qu’il passait entre les lèvres pales et gercées de la première lame Renge. Toujours armée de ses outils, elle plongeait ceux-ci dans le liquide vaporeux et brillant, aidant les aliments qui y étaient plongés à traverser la barrière de sa bouche. « Umai » ponctuait-elle sa dégustation, le visage décoré par un sourire discret. « Il n’y a que moi qui compte, alors ? » répétait-elle, presque rougissante. « Ne dit ça à personne, on pourrait mal te comprendre… Bien que ce soit tout à fait réciproque. Après tout, tu es la seule à ce jour à réchauffer mon sourire. » disait-elle, élargissant l’ouverture de ses lèvres, montrant la nacre de ses dents.

« Ah ! Oui ! Ouka-dono m’a conviée dans les jours prochains à l’organisation de ce festival, qui mettrait à l’honneur les spécialités individuelles de nos deux clans, Renge et Sakura. Il souhaiterait également mettre en valeur la combinaison de nos talents respectifs. » commençait-elle son propos. « Nous n’avons jamais vraiment eu l’occasion de discuter très longuement, j’ai l’impression que ce sera comme une première rencontre… Alors que cela fait quand même quelques années que nous sommes tous deux Daimyo ! J’ai un peu peur, je crains des impairs. Je veux tellement représenter notre clan de la meilleure des façons… ! En espérant que mon métabolisme tienne le coup, aussi. » continuait-elle, ses deux billes émeraudes plongeant vers le bol de riz. « Tu l’as déjà rencontré, d’ailleurs ? En tant que Samurai, tu as bien dû le croiser, au moins de vue ? Comment est-il ? Dois-je me préparer à quelque chose en sa présence ? » demandait-elle, curieuse d’en connaitre un peu plus de son futur interlocuteur du cerisier.

Se saisissant finalement du bol situé à sa droite pour prendre une bouchée de la masse blanche et tiède, laissant un délicat fumet vinaigré et à la pointe de sésame grillée, elle réfléchissait à sa présence au festival lui-même, une fois l’organisation préalable réalisée. « J’imagine que j’essaierai d’être également présente lors des festivités. Mais les apparitions publiques… Ce n’est pas trop ma tasse de thé. J’ai toujours peur de m’évanouir ou d’attirer tous les regards et commentaires désobligeants. J’aimerais beaucoup venir si ça me permet de passer du temps avec toi, par contre ! Il sera peut-être plus facile, avec quelques efforts de déguisements, de me dissimuler dans la foule et ainsi s’amuser comme au bon vieux temps, toutes les deux ! » terminait-elle, le cœur chaud d’excitation et les yeux brillant de hâte, cette perspective la rendant joyeuse.

J’VAIS RÉCHAUFFER TON SOURIRE !

Un large sourire s’étira sur les traits ravis de la Sakura. Il semblait dire « c’est évident, non ? » avec autant d’amusement que de bienveillance, au travers de ses yeux tendres. À dire vrai, la raison pour trinquer était si évidente que Gemmei vint à en douter. Elle leva un instant son regard vers le plafond pour réfléchir, d’une moue faisant grimacer ses lèvres. Malgré l’effort, ses pensées parvenaient avec difficulté à se joindre pour construire une réflexion digne de ce nom. Aussi la bushi rose abandonna bien vite son périple mental pour regarder de nouveau sa cousine, d’une expression radieuse.

« Trinquons à notre amitié éternelle, bien sûr ! »

Tout en ricanant, l’adoptée Takegi se pencha en avant pour cogner doucement sa coupelle contre celle de Kaguya. Nonobstant tout l’amour qu’éprouvait Gemmei pour les breuvages alcoolisés, en présence d’une Dame et davantage sa douce amie d’enfance, la jeune femme faisait preuve de retenue. Ce n’était pas parce que l’étiquette n’était pas son fort qu’elle ne savait pas s’adapter en fonction de la situation dans laquelle elle se trouvait ; et ici, elle partageait un repas, bien loin des beuveries en fin de journée sur les terres du Cerisier. Par conséquent, à l’instar de la cheffe militaire, la Sakura trempa ses lèvres et but à peine une gorgée. Cette petite quantité ne l’empêcha pas d’apprécier le saké à son summum : ses joues rougirent de plaisir et elle exprima son bonheur au travers d’un « mmmh ! » suivit d’un « oishii ! » enjoué. Pouffant encore, décidément enchantée, elle posa son verre sur la table en affirmant :

« Ça n’a rien à voir avec la piquette que j’ai dû me taper en venant ! » Elle attrapa ses baguettes en se rasseyant à peu près correctement, bien que toujours en tailleur. « M’enfin, c’est sûr qu’des marchands ambulants peuvent pas choper des sakés suffisamment luxueux pour satisfaire une Dame ! »

Mimant sa cousine, l’adoptée Takegi coinça ses baguettes entre ses mains et répéta « itakimasu » après elle, d’un ton plus discret et feutré. Ses yeux dévoraient les mets du même temps, impatiente de toucher à tout. Elle savait quel plat elle devait manger en premier de par leur disposition, mais hésitait fortement à respecter l’étiquette. Quelque part, la pression exercée sur son paraître lorsqu’elle était encore enfant était toujours présente, dans cette grande demeure qui l’avait vu naître. Aussi débuta-t-elle par la soupe, qu’elle but un peu, puis enchaîna sur le riz, et enfin l’un des accompagnements. Habituellement, elle aurait dévoré chaque bol un à un. Chaque bouchée se ponctuait d’un « mmmh ! » radieux. Même un aveugle aurait pu imaginer son visage se délectant de chaque aliment tant elle irradiait son bien-être. Le simple fait de l’observer aurait donné de l’appétit à n’importe qui. Gemmei s'interrompit un instant lorsque son hôte reprit la parole. Elle rougit un peu, davantage de bonheur que d’embarras. Ensuite, elle se hâta de mâcher et déglutir pour lui répondre :

« Bah, ceux qui interprèteraient ça de travers sont des gens tristes ! » Elle promenait impoliment ses baguettes en les ouvrant et en les fermant de gestes répétés tout en parlant. « Il n’existe pas que l’amour romantique et la haine ! » Elle balada son regard sur les plateaux tout en poursuivant : « Quand j’y pense, y’a beaucoup de formes d’amour. De nuances ! » Attrapant un gros morceaux de riz, elle conclut en souriant, son regard posé sur Kaguya : « Je ne vis que pour tes jolis sourires. »

Elle se redressa, son riz toujours tenu entre ses baguettes, et bomba le torse.

« Te protéger, beaucoup peuvent le faire. Mais qui protège ton sourire, hein ? » Elle plaisantait à moitié, en attestait le rire dévoilant ses dents. « C’est ma mission éternelle ! »

Elle ricana. Ensuite, elle resta un peu plus silencieuse, dégustant le repas, jusqu’à ce que la conversation reprenne. La bushi rose continua de manger en écoutant Kaguya. Elle acquiesçait de temps à autre. Elle ne savait pas que son adorée cousine allait directement aider à préparer le festival ! Il ne pourrait qu’en être meilleur.

« J’espère que ça ira, ouais. » commenta-t-elle au sujet de sa santé. « Mais tu seras bien accompagnée. Force pas trop, hein ! »

Gemmei cacha sa bouche pleine, mastiquant encore, avec sa main libre.

« On peut pas dire que j’le “connais” vraiment… Mais je l’ai vu ouais, forcément, quand j’ai affirmé mon allégeance. Mais pas vu depuis. »

Elle ingurgita sa pitance mastiquée et baissa les yeux sur sa prochaine cible à avaler en les pointant de ses menaçantes baguettes.

« De ce qu’on dit sur lui, c’est pas quelqu’un à craindre niveau impairs. En tout cas, il a l’air plutôt relax sur pas mal de points, pour un Daimyo. »

Enfin, les iris incandescents de la Sakura s’illuminèrent. Du même temps, la jeune femme redressa la tête pour regarder la Dame du Lotus.

« Si tu veux te carapater… J’serai pas loin, tu sais. » Son sourire soudain moins candide avait quelque chose d’espiègle, dorénavant. « Je connais Atsuihi comme ma poche. J’pourrai te planquer facilement le temps d’une petite pause méritée !… » Puis, son grand sourire habituel. « Ça s’rait amusant, en tout cas ! Mode poudre d’escampette, vingt ans plus tard ! » Puis, les yeux levés sur le plafond, « Vingt ? » se demanda-t-elle à elle-même.

La Dame atténuait sa surprise à chaque exclamation de sa cousine, s’étonnant de chacun des sons qu’elle produisait après toutes ses bouchées. Bien que Kaguya connaissait par cœur sa vis-à-vis, elle ne pouvait guère s’habituer aux impairs qu’elle produisait, quand bien même la malade l’avait rassurer à ce propos. C’était le sourire teinté d’un léger inconfort, bordé par une pointe de joie la voyant autant apprécier son repas qu’elle hochait la tête à chacune de ses interventions. Ses mots sur l’amour lui faisait écarter ses lèvres plus encore, s’amusant de son explication. « Mes jolis sourires, hmm ? Tu sais que pour en apprécier chacune de leur apparition, il faudrait venir plus souvent, n’est-ce pas ? » disait-elle, le bout de ses baguette pointant ses propres lèvres. « En attendant, j’espère que quelqu’un te fait sourire, là-bas. J’imagine qu’un jour tu me parleras d’une personne en particulier qui protège tes sourires et ton cœur…. Même si je suis à peu près certaine de ne pas connaitre grand monde qui puisse te protéger mieux que toi-même. Enfin. »

« Je vois. Me voilà un peu rassurée. Des rumeurs circulent sur son amour des bains. Sont-ils vraiment si fameux par chez toi ? J’ai hâte d’essayer en tout cas. Et de te revoir. J’espère que si nous réussissons à passer du temps ensemble, que tu me feras vivre le Atsuihi que tu connais, pas celui qui me sera présenté, lisse et pompeux, connaitre un peu mieux ce qui rend les habitants du sakura uniques. » La femme à la chevelure de parme aux reflets verts ne terminait pas ses plats, étant repue après de rares bouchées. Gemmei mangeait pour elles deux, se disait-elle. « Vingt-et-un an, si mon compte est juste. » précisait-elle. « Quoi qu’il en soit… Il est temps pour moi de prendre également la poudre d’escampette pour l’instant. Je suis désolée. J’aurai voulu passer un peu plus de temps avec toi aujourd’hui mais je dois me reposer avant une entrevue importante avec des conseillers… A propos d’une statue, ou je ne sais quoi. » soupirait-elle.

« A défaut de m’avoir donné l’appétit, tu m’as donné le sourire, Cousine. J’espère te revoir avant ton départ, afin d’organiser notre périple secret dans les rues de la capitale du cerisier. » terminait-elle, en prenant appui sur le bout de ses orteils pour se relever, s’aidant de sa main sur la table pour prendre de l’élan. Si tel avait été la coutume, peut-être aurait-elle serré dans ses bras sa chère cousine, sentant comme si cela allait être la dernière fois avant de longs mois qu’elle ne pourrait la revoir. Le cœur plein de regrets, elle lui souriait, tentant une dernière fois de lui offrir ce qu’elle était venue tant chercher : un sourire chaleureux.