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Watanabe Shiori
Renge
Watanabe Shiori
Renge
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Dim 25 Avr - 13:05
  
Un mot aimable est comme un jour de printemps

L’ombre menaçante des nuages chargés de pluie planait depuis le lever du jour sur les toits pentus de la capitale du Lotus, laissant l’aura ombrageuse de leurs volutes noires obscurcir les rues silencieuses. Le printemps à Naiseishin promettait bien des surprises ; la ville juchée à même la montagne pouvait se targuer de la protection naturelle des crêtes qui, lorsqu’elles retenaient les cieux cotonneux, permettaient à l’astre solaire de briller tout à son aise et de réchauffer une ville autrement plus grise. L’enchantement se déchirait en lambeaux comme un voile de rêve pourtant, quand les sommets éternellement neigeux livraient passage à la nuée orageuse. Dès lors, des routes pavées au ciel couvert, la cité s’habillait de monochromie.

Le sillon des premières gouttes marquait la pierre sombre de l’imposant escalier. Un pied sur la première marche, Shiori leva le visage, offrant la toile vierge d’une peau laiteuse aux caresses d’un vent froid. Quelques perles humides prirent d’assaut ses traits délicats, s’accrochant aux longs cils noirs qui papillonnèrent pour s’en libérer. Elle soupira et se tourna vers son yojimbo, essuyant les larmes célestes sur son front où se collaient déjà quelques mèches ébènes.

“ Je crains que nous ne parvenions pas à temps au sommet pour échapper au déluge. ” Elle ponctua sa remarque d’un haussement d’épaules nonchalant et d’un fin sourire désabusé.

Ses yeux lilas s’élevèrent le long des mille et quinze degrés qui permettaient d’accéder au joyau Renge, Omoikane oshinden. Sa fonction l’amenait à pratiquer cette ascension plusieurs fois par semaine, sculptant au passage un corps fuselé, mais elle n’en restait pas moins une épreuve à part entière. Surtout lorsque les nuages menaçaient de crever leur enveloppe moutonneuse pour laisser l’averse s’abattre sur la ville. Rajustant son hakama autour de sa taille, la Seikai Guji inspira longuement et se mit en marche, le regard loin devant elle.

Elle était parvenue au dernier tiers de la montée qu’un éclair zébra l’horizon, éclairant brièvement les environs plongés dans la grisaille d’un temps infâme. Le coup de tonnerre ne tarda pas et résonna longuement entre les murs de la cité en contrebas. Aussitôt après, l’ondée nuageuse se libéra. Rapidement, l’eau se mit à ruisseler le long de la pente vertigineuse. La prêtresse baissa la tête pour protéger son visage et continua tant bien que mal sa progression, accélérant le pas pour parvenir plus rapidement à l’abri du temple. Les quelques fidèles qu’elle croisait ou doublait, peinaient autant qu’elle sous les rafales cinglantes. Mais une frêle silhouette qu’elle dépassait rapidement par la droite, attira son attention. Contre vent et déluge, Shiori s’arrêta et tourna un visage trempé vers la jeune femme qu’il lui semblait reconnaître.

“ Sangaigusa-san ? Mais… que faites-vous ici, seule ? ” Elle chercha du regard la suivante de Kasumi qu’elle discernait un peu mieux en s’approchant d’elle. Elle ne connaissait que peu la jeune sœur du Jokai, l’ayant seulement croisé à diverses occasions et échangé quelques mots de politesse, mais elle semblait experte dans l’art de se fourrer dans les situations les plus compliquées, malgré le handicap que représentait sa cécité. La Watanabe fronça les sourcils et posa délicatement une main sur la fine épaule, annonçant ainsi sa position. “ Mon yojimbo va vous aider. Allons-y. ” se hâta-t-elle d’ajouter, reprenant l’ascension alors que son garde du corps soulevait plus qu’il ne guidait la potière.

Une main en visière pour protéger ses yeux, la prêtresse ouvrit la marche, priant pour ne pas glisser sur le sol détrempé des marches. Lorsqu’enfin le tori marqua l’entrée du sanctuaire, un soupir de soulagement lui échappa et elle s’avança sur le sandō brusquement déserté. Elle courut vers le samusho, le bâtiment administratif où elle réglait les affaires du Haut-Temple dont elle avait la charge et ce n’est qu’une fois à l’abri du porche, qu’elle se tourna vers l’aveugle escortée. Tout à fait consciente de ne pas être vue, Shiori ne put empêcher un point de venir se poser sur sa hanche, dans une posture d’irritation tout à fait maternelle.

“ Quelle idée vous avez eu de vous aventurer par ce temps, sans votre suivante ? ” questionna-t-elle fermement, malgré la douceur naturelle qui enrobait chacun de ses mots.        
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Caste et rang : Caste Spirituelle - Seikai Guji de Chishiki
Informations : ❊ Tenue régulière composée d'un hakama mauve et d'un kosode blanc rehaussé des Kamon de sa famille et de Renge.

❊ Cheveux coiffés en chignon, serti d'une broche de perles. Seul "luxe" de sa tenue quotidienne.

❊ Taille moyenne : 1,66m

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Mar 27 Avr - 19:31
  
Elle avait réussi, elle avait bel et bien faussé compagnie à Hiroko ! Sa lente cavalcade, point aussi galante qu’on pourrait le croire, s’annonçait sous les meilleurs auspices, songea Kasumi, rieuse, le cœur battant plus rapidement que ses pieds les pavés, une fois passé le seuil de la maison familiale. Loués soient les kamis pour cela aussi !
L’intempérante avala ses premiers mètres de liberté la rapprochant de sa destination comme on respire goulûment, aspirant, impatiente, à déjà se retrouver là où elle devait se rendre.

Serrée contre son sein afin de la protéger, dans la menotte libre de son habituel bâton, une chose de la taille d’une grande paume ouverte recouverte de soie trônait et alimentait ses rêveries joyeuses. Ce n’était pas un chef d'œuvre qu’elle enlaçait si avidement de son bras gauche, loin de là, mais elle en était plutôt fière. La lourde création lui avait pris des heures et des jours, avait avalé ou réduit plusieurs de ses dernières nuits, creusant sous son regard mort de petits sillons violacés que Hiroko n’avait pas su totalement voiler. Le séchage lui avait lui aussi parut terriblement long, tant elle était restée à pianoter sur tout ce qu’elle trouvait jusque sa fin.
Oh, il y avait bien mille imperfections, de petits détails que la sculptrice aurait pu mieux faire, nonobstant, il y avait dans ce travail un point qui les effaçait tous, un fait merveilleux qu’elle aurait voulu crier à la terre entière : l’espoir d’avoir réellement remis la main sur un simple geste, les retrouvailles potentielles avec l’esquisse uniquement d’un bout de manière de faire. Un autre tout petit, minuscule, ridicule pas, réel ou chimérique elle n’en savait rien, pour retrouver ses capacités d’antan et peut-être plus tard les dépasser, soit, mais une avancée tout de même dans la bonne direction. Comment aurait-elle pu alors, elle, boule d’excitation fragile et virevoltante, se retenir d’aller partager la nouvelle au moins avec ceux qui aidaient son coeur à tambouriner plus fort chaque jour dans sa poitrine puisqu’ils étaient à portée ?

Sachant où trouver la plupart de ses aînés en cette journée, elle avait décidé d’en premier aller ennuyer son frère. Aller le saluer cinq minutes, pour tenter de lui voler un sourire, ne lui ferait pas perdre trop de temps et ne décalerait pas tout son emploi du temps à lui, n’est-ce pas ? Au pire attendrait-elle sagement dans un couloir ou sur un seuil son bon vouloir se promit-elle. Et puis peut-être, ainsi, pourrait-elle se faire pardonner les nouvelles bêtises qui lui venaient en tête.
Hélas, c’était sans compter sur sa servante qui, trop habituée, avait répété et rabâché qu’elle avait déjà bien trop importuné son adelphe dernièrement et avait tenté de lui faire oublier son projet. Boudeuse, Kasumi avait alors envoyé la pauvre Hiroko faire des allers-retours plus inutiles les uns que les autres, juste assez longtemps pour que fonctionne l’enfantin plan qu’elle avait imaginé : patienter jusqu’à ce qu’elle ne revienne plus, ou que très lentement. L’idée machiavélique s’était avérée payante.
Bon, soit, la Sangaigusa s’était tout de même cognée six fois un peu trop fort sur le trajet qu’elle avait souhaité discret, avait failli choir deux fois et avait confondu la manche d’un domestique inconnu avec un drapé étendu trop bas, mais elle y était parvenue ! N’était-ce pas le plus important ?

Le temps de mettre en œuvre sa fausse échappatoire, puis de se féliciter pour ce succès de plus, l’infante trop choyée n’avait prêté aucune attention à l’humeur fâchée du temps qu’il faisait. Elle n’offrit pas davantage d’oreille aux vents attristés quand vint le moment de commencer à grimper l’immense, le monstrueux escalier menant au temple. Se concentrer sur ses pieds et sur la montée particulièrement ardue prit à ce moment tous ses sens valides en otage.
Elle se força à réguler sa respiration, à la poser très lentement sur le rythme de ses talons pour ne plus avoir à s’en préoccuper. Il lui fallait réussir cette épreuve-là, chose que son plan délétère et son désir effréné s’étaient arrangés pour oublier, se dit-elle pour se motiver d’autant plus. Parvenir à aller tout en haut seule, à battre cette créature infernale que représentait l’accès au haut-lieu spirituel, lui prouverait aussi qu’elle pouvait faire plus de choses qu’elle ne le pensait. Qu’elle n’avait vraiment pas besoin de toujours trop s’appuyer sur les bras aimants qui consolaient habituellement tous ses chagrins. C’était là un défi difficile, surtout si on se remémorait le dernier escalier emprunté…

Bâton en place. Une inspiration, un contact neuf avec le sol. Une expiration et venait fréquemment un tremblement irrégulier, parce que Kasumi se sentait de temps en temps tanguer plus ou moins violemment. Plusieurs fois, elle se retrouva à devoir lâcher sa canne de marche afin de se réceptionner sur sa paume valide, pour éviter que son trésor se retrouve fendillé. Retrouver l’objet en bois lui prit parfois plus de minutes que de se redresser.
De menus moments la virent aussi se tenir immobile dans l’espoir de recouvrir de la salive, ou un souffle moins chaotique que son avancée. Dans tous les cas, elle n’abandonna pas.

Ploc.
Les premières gouttes qui tombèrent furent écartées à la manière d’un inintéressant souci qui revient traîner ses chaînes et son boulet dans la mémoire : du dos d’une main pleine et d’un haussement d’épaules. Seulement, les éléments refusèrent peut-être de se faire mettre de côté ; les nuées grises lamées d'argent, lourdes masses fumeuses et éthérées, ne se retinrent pas de continuer à pleurer, se déchirant un peu plus.
Et quand le ciel hurla cette fois un éclair comme d’autres avouent avec passion une crainte, l’aveugle sursauta, puis se figea en une position plutôt grotesque, un pied dans le vide et des peurs sur les lèvres.

Ploc, ploc, ploc, ploc.
« Oh, zut. »

Le chagrin d’en haut se fit torrent, la prenant par surprise. Kasumi frémit, étouffa une seconde plainte inutile, sentant avec la nouvelle et lourde pluie sa joie du jour se faire en partie doucher. C’était là un coup à doublement se faire gronder par Hiroko lorsqu’elle rentrerait, si elle ne ratait pas la fin de son ascension et ne se retrouvait pas le crâne fracturé au sol avant à cause du sol mouillé, bien entendu. Une espèce de vertige la saisit, fit palpiter bizarrement l’organe dans sa poitrine.
Les lambeaux de son excitation première la motivèrent cependant à continuer sa route. Il serait en effet bien plus long de redescendre que de terminer son trajet. Du moins normalement, songea-t-elle avec hésitation. Pourquoi n’avait-elle pas compté les marches ?
Se mettre à l’abri remplaça temporairement percevoir son frère en tant que but. S’accrochant cette fois bien fortement à son bâton - peut-être pouvait-il l’empêcher de couler ? - , contre vent et marée, la Sangaigusa reprit donc, alentie, son encore plus difficile ascension.

Après une petite éternité, un soulagement surpris apparut sur ses traits tandis qu’une voix qu’elle ne reconnut pas tout de suite s’adressa soudainement à elle, donnant son nom. Elle n’avait pas entendu son approche, mais de l’aide était sûrement là. Une main secourable qu’elle n’osait jusque là point espérer, pour ne pas être, en plus de crevée et terrifiée, potentiellement déçue.
Le vacarme et la danse acharnée des éléments rendant toute conversation difficile, elle ne répondit pas tout de suite aux dires gracieux. Le contact de la paume de Shiori, puis du yojimbo, furent simplement accueilli avec joie ; la poupée n’eut pas même un mouvement de recul lorsque l’homme du trio se décida à la faire plus léviter que marcher et elle chercha à lui rendre la tache moins difficile en se faisant sage.

Kasumi soupira silencieusement quand le porche leur offrit enfin un nid temporaire et qu’on la remit proprement sur ses pieds. Elle se retint de s’ébrouer alors que la voix, celle entendue auparavant, l’interrogeait assez fermement. En entendant cette fois son interlocutrice plus distinctement, un sourire penaud entrecoupé par de petits grelottements vint orner ses lèvres.
Ce timbre… Elle savait à qui il appartenait, si elle ne s’abusait pas. Les sons provenaient normalement de la bouche de l’une des soit-disant incapables de son ainé ; une femme qu’elle avait croisé surtout ces derniers mois, en gros à chaque fois que l’envie de visiter Isao se faisait terriblement ressentir ou presque.
Elles n’avaient pas échangé tant que cela, mais si elle avait osé, la sculptrice aurait déjà demandé à la Seikai Guji de pouvoir la sculpter, autant par curiosité envers ceux qui entouraient son aîné, que pour découvrir réellement ses traits qu’elle imaginait plus doux encore que son ton.

« Je vous prie d’accepter toutes mes excuses pour cela… Et mes remerciements, Watanabe-sama. »
Se repentit la contrite, mais plutôt polie puînée, une fois assurée que les mots ne finiraient pas à leur tour noyés au fond de sa gorge. Elle inclina légèrement le torse dans la direction de son interlocutrice, point autant qu’elle l’aurait voulu cependant vu combien elle était chargée, avant de rajouter :
« Vous aussi… Yojimbo-san ? »

Était-ce bien là le titre de son autre sauveur, qu’elle n’était pas sûre d’avoir compris tout à l’heure ?
Ce n’était en tout cas, soit, pas les propos attendus, mais qu’aurait-elle pu dire à part qu’elle avait à nouveau joué à l’enfant en se laissant aller à faire une ineptie de plus, avec ce bonheur que l’expérience normalement enlève ? Au moins cette fois-ci ne s’était-elle pas perdue…
Le chiot mouillé serra contre elle son bâton et son ouvrage, espérant peut-être que ceux-ci la réchaufferaient un peu à présent que le maelström, bien que toujours à portée, ne les fouettait plus vraiment.


« J’aurais souhaité obtenir un entretien avec aniue, s’il a à un moment du temps à me consacrer. »
Expliqua-t-elle ensuite plus timidement, se rappelant pile au bon moment qu’elle avait passé l’âge d’appeler Isao onii-chan en public, même si elle ne se le remémorait pas tout le temps. Comme d’habitude quand il était question de son frère, son visage s’éclaira dès qu’elle l’évoqua… Et elle oublia en son état détrempé, quelques secondes, ainsi que la grimace et les ronchonnements que risquait de pousser son aîné si elle osait venir ainsi le saluer.

« Puis-je donc vous demander encore de l’aide, s’il vous plaît ? Auriez-vous l’amabilité de m’indiquer où je pourrais trouver quelqu’un pouvant m’escorter ? »
De l’espoir s’entendit même cette fois dans son ton.
Ce n’était pas qu’elle ne connaissait pas le chemin, mais comment dire ? Avec elle, ces derniers temps, il y avait toujours une grande différence entre “savoir” et “faire”. Par manque de pratique en ces lieux-ci, sans aide, les objets sur son trajet risquaient fort de se souvenir longtemps de son passage...

Watanabe Shiori
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Dim 2 Mai - 22:28
  
Les éclairs zébraient le ciel gris comme autant de cicatrices lacérant la toile blanche d’une peau. Le grondement roulait à sa suite, grave mélodie au rythme irrégulière mais singulière mélopée d’un jour capricieux. Le vent sifflait, apportant lui-aussi sa participation au spectacle destructeur des éléments déchaînés. Ses rafales balayaient l’esplanade du sanctuaire, charriant les vestiges des feuilles tombées au cours de l’hiver dernier et les pétales des cerisiers alentour dont la fragilité ne résistait pas à la colère des bourrasques printanières. L’onde persistante ne faiblissait aucunement, noyant le sandō sous un voile d’eau d’où jaillissaient les éclaboussures des pas rapides des miko prises au dépourvu par l’orage. De longs filets gouttaient sans discontinuer des toits pentus, dont les gerbes s’envolaient parfois sous la force d’une brise tempétueuse. Les gouttes atteignaient alors l’asile incertain que représentaient les porches des bâtiments où s’étaient réfugiés nombre de fidèles surpris et interrompus dans leur promenade spirituelle, dans l’attente d’une accalmie encore incertaine.

L'œil attentif à la frêle silhouette debout devant elle, maintenue par une canne salvatrice à laquelle elle s’accrochait fermement, Shiori grimaça, dérangée par les giclures humides qui parvenaient jusqu’à leur abri improvisé. Ses doigts fins passèrent dans une crinière brune et luisante d’humidité, dont l’esthétique coiffure ne gardait plus que la broche de perles. Le reste ne représentait qu’un brouillon de chignon qui n’avait plus rien de correct. Elle n’en fut nullement gênée, et se contenta de remettre de l’ordre, tout à fait relatif d’ailleurs, dans ses cheveux, accueillant les excuses embarrassées de la cadette Sangaigusa. Lâchant les mèches rebelles, elle s’inclina à son tour dans un salut plus poli que véritablement visible et abandonna la moue fâchée qui ornait ses douces lèvres roses. A la place, un sourire bienveillant illumina la pulpe délicate, qu’elle offrit sans avarice au regard mort qu’elle sentait sur elle.

“ Omoikane a eu la bonne idée de vous mettre sur notre chemin, ou inversement. Sans Ozuma-san, j’aurai été bien en peine de vous ramener aussi rapidement à l’abri et en sécurité. ” répondit-elle humblement en échangeant un regard reconnaissant avec le yojimbo qui hochait la tête silencieusement.

Dégoulinante, la haute-prêtresse réprima un frisson quand la morsure de l’alizé se glissa sur ses atours détrempés. Elle avait froid et un rapide coup d'œil à la jeune fille secourue l’alerta d’une sensation similaire, tant elle serrait contre elle le précieux paquet qu’elle transportait. Mais son visage rayonnait contrastait avec sa silhouette amaigrie par des vêtements mouillés et désagréablement collants. Touchée par cet amour fraternel qui illuminait même des iris aveugles, Shiori s’approcha de la puinée pour poser une main rassurante sur son avant-bras tendu par le maintien du bâton et souffla :

“ J’ai bien peur de n’avoir aucune idée d’où se trouve Sangaigusa-sama à l’heure actuelle. Nos chemins ne se sont pas encore croisés aujourd’hui.” Elle exerça une légère pression sur le membre qu’elle tenait, plus pour l’assurer de sa position que pour lui assurer un soutien supplémentaire et reprit de sa voix de basse agréable : “ Je ne vous laisserai certainement pas repartir à l’aventure par ce temps infâme. Rentrons d’abord nous sécher et nous réchauffer. Nous serons certainement plus à même de solutionner votre requête lorsque nous serons véritablement à l’abri.”

Elle fit signe à son garde du corps d’ouvrir la marche et escorta la potière jusqu’à la pièce principale du bâtiment administratif, son bureau. Le sol de tatami clair mettait en valeur le mobilier sobre et humble de l’antre de la prêtresse. Au centre, la table basse en bois brut et foncé répondait en écho à la large bibliothèque sombre où s’alignaient des dizaines de rouleaux en papier de riz. Missives échangées, comptes en tout genre répondant à la gestion du Haut-Temple et archives personnelles se regroupaient là, trésor visible mais inaccessible pour le commun des visiteurs. Dans un coin, un large vase au col serré déployait quelques branches de prunier dont les fleurs blanches paraissaient figées dans leur éclosion. Deux pétales se détachèrent et tombèrent dans un imperceptible flottement lorsque le shōji s’ouvrit pour laisser passer le trio, et permit à un léger souffle venteux de s’immiscer en même temps.

Retirant ses sandales spongieuses, la Seikai Guji s’avança vers le troisième et ultime meuble, un large coffre qu’elle ouvrit et dont elle tira de larges morceaux de tissus. Le frottement discret de ses pieds sur le sol de nattes indiqua ses mouvements, alors qu’elle revenait vers Kasumi.

“Tenez, prenez-ça pour vous sécher. ” déclara-t-elle en lui tendant l’une des serviettes improvisées, laissant l’autre à Ozuma-san.

Elle avisa leurs vêtements mouillés, cherchant de quelle manière elle allait pouvoir dépanner l’artiste démunie de sa suivante. L’ouverture de la porte coulissante, révélant la miko qu’elle avait pris sous son aile depuis plusieurs années, la tira de ses interrogations purement pratiques. Le fumet délicat d’un thé vert enveloppa son nez dont l’arête supportait encore quelques traces d’humidité. La religieuse tombait à pic et elle ne se priva pas d’un sourire teinté de fierté alors qu’elle déposait sur la table, le plateau chargé d’une théière fumante et de deux tasses. Elle expliqua rapidement avoir aperçu sa maîtresse courir à l’abri et anticiper, de fait, une demande qui paraissait logique pour affronter le froid.

" Pouvez-vous également envoyer chercher Sangaigusa-sama ? Nul besoin de le déranger, simplement me faire savoir où il se trouve, que je puisse contenter notre invitée. Il est impatiemment demandé.” interrogea-t-elle, une pointe de taquinerie dans la voix alors qu’elle achevait sa phrase.

Libérant le yojimbō de son astreinte et donnant ses derniers ordres à son assistante, Shiori observa quelques minutes de contemplation, seule avec la sœur du Jokai Renge. Contrairement à lui, elle brillait d’une gentillesse lumineuse et évidente, ourlée de traits délicats où se devinait la malice du jeune âge et de l’esprit vif. Sans doute était-elle un rayon de soleil pour l'Élu au caractère si particulier et sombre.

“ Sangaigusa-san, puis-je vous aider avec votre … chargement ? Je pense avoir de quoi vous vêtir plus confortablement. Enfin … sans doute la taille sera trop grande, mais au moins serez-vous au sec, en attendant de pouvoir visiter votre frère. ”

De nouveau, elle s’avança vers la cadette, attentive aux besoins qu’elle pourrait exprimer. Du même temps, elle s’arrêta près de la table pour verser le thé brûlant dans deux petits contenants en céramique et ouvrir une boîte laquée renfermant quelques gourmandises réconfortantes.         
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Jeu 6 Mai - 15:05
  
La pluie enragée, ni bruine, ni délicate, martelait sans fin la terre et les surfaces qu’elle pouvait trouver comme si elle souhaitait à son tour les fâcher. Pour l’accompagner, le rumineux ciel rugissait encore, quoique rarement.
Il n’y avait heureusement plus à craindre pour les deux humaines et leur compagnie de finir davantage détrempées, aussi sûrement que si elles avaient plongé tête la première dans une mare abandonnée par les grenouilles. La bulle que représentait le temple les avait accueillies avant de les engloutir et les protégeait à présent convenablement du sombre assaut de l’aquatique humeur de l’extérieur.
Mais même à l’intérieur, le voile créé par la nue bourrue et abondante se voyait et s’entendait encore ; le son des pas du trio alourdi par leurs habits gonflés des flots précédents lui faisait écho.

C’était avec reconnaissance que l’aveugle avait continué à suivre l’une des maîtresses du lieu, si on pouvait le dire ainsi. Guidée autant par les doigts fins de Shiori sur son bras que par sa présence et celle du Yojimbo, elle s’était laissée menée jusqu’aux appartements de travail de la première après avoir présenté de nouvelles excuses un peu gênées.

« Je ne voudrais vous déranger, vous ou votre travail. »

Dit-elle encore doucement à présent que la Seikai Guji lui tendait un tissu pour se sécher. Se faire escorter par si sage et occupée personne avait de quoi intimider, quand bien même un membre de la fratrie était haut placé.
Les mains pleines, Kasumi dut prendre le temps de jouer du bâton afin de trouver un endroit où le déposer sans craindre de tout casser. Se souvenant à temps que son autre chargement était bien trop important et fragile, la fille le garda lui en main, évitant ainsi de prendre le risque de l’abîmer en le laissant malencontreusement mal glisser.
Une prière silencieuse, porteuse de l’espoir que la pluie ne l’ait pas déjà en partie cabossé, lui vint à l’esprit. L’excitation, les questions et les désirs liés à sa sculpture revinrent eux aussi la hanter, éphémères, jusqu’à ce que ses dents claquent de nouveau de froid. Enfin, la fille Sangaigusa accepta l’étole offerte, après avoir tâtonné pour réussir à s’en saisir sans la faire tomber.

« Acceptez encore mes remerciements. »

L’arrivée de la miko et du thé ramena un peu de rouge sur ses joues, à moins que ce ne fut la taquinerie de la haute prêtresse. Ou les deux. Peut-être pour cacher le vermillon qui n’avait pas lieu d’être, la sculptrice utilisa l’étoffe donnée d’abord pour tamponner son faciès maladroitement, avant de s’attaquer à sa chevelure. Le mouvement dévoila, sur son poignet mouvant, une petite trace d’argile en train de se réhydrater.
Ce n’était pas qu’elle avait honte de s’être faite attraper sur la route pour aller contempler son aîné, ou qu’elle ne désirait, en effet, pas le voir ardemment. Seulement, tout cela ne faisait pas très adulte et convenable sur le lieu de travail de son grand frère, n’est-ce pas ? Et puis l’odeur, alléchante, d’un breuvage pouvant réchauffer des entrailles refroidies par une pluie incessante aurait sans doute fait réagir n’importe qui. Enfin. La gêne passa bien vite, sitôt que la gracieuse haute prêtresse posa une autre interrogation.
Kasumi hésita en réponse, puis hocha la tête. L’idée de vêtements propres lui fit entendre raison.

« Pensez-vous pouvoir le tenir fermement avant que je ne le lâche ? »
La nuance de regret qui s’entendait disparut tandis qu’elle enchaînait, volubile à présent qu’il s’agissait de s’exprimer sur une de ses passions préférées :
« C’est qu’il est un peu lourd et que je n’aimerais pas l’ébrècher en manquant d’adresse. »
Un sourire attendri naquit.
« Aniue ferait peut-être semblant de ne rien voir, mais je le saurais. »
Le tissu pour s’essuyer fut mis sur son épaule dans le but de libérer sa paume qui ne supportait pas l’objet de la discussion. Elle utilisa celle-là pour lentement et maladroitement déshabiller son œuvre, offrant à la vue de Shiori un portrait d’enfant assez… Indistinct ?
L’artiste n’avait en effet pas vraiment pris le temps de travailler tous les traits du visage juvénile, préférant se concentrer sur les accessoires qui l’entouraient. Il n’était pas très dur, à bien y regarder, de deviner de qui elle avait tenté de s’inspirer, mais il y avait une chose potentiellement surprenante à noter ; comme sur presque toutes les créations de sa main où elle était représentée, la dite personne ainsi figée semblait simplement sourire, vaguement, sans amertume ou air de pester.

« Il ne me paraît pas trop mouillé. »

Se rassura-t-elle en marmonnant, plus pour elle-même que pour son interlocutrice, et tout en faisant enfin courir des doigts maternels sur l’ouvrage. Elle laissa ensuite, sans trop de difficultés, la prêtresse délicatement l’en débarrasser.
Une fois que ses bras se firent plutôt vides, la jeune femme parut ne plus savoir qu’en faire. Elle ne sembla réapprendre leur utilité que lorsqu’elle entendit le son de son travail que l’on pose et il fallut attendre qu’elle ait l’idée de se frotter une épaule pour que l’étoffe prêtée et pendouillante se rappelle à ses souvenirs.

Sans rajouter un mot, Kasumi se mit alors en devoir d’éviter de continuer à noyer le sol et s’occupa de se sécher. Si Shiori la laissa faire, bercée par ses gestes répétitifs, la puînée parut s’abimer le temps de plusieurs battements de cœur dans ses propres pensées. Inspirée par ces murs inconnus, par la porte invisible pour elle qu’elle n’avait jusque là jamais passé, elle laissa en effet son esprit vagabonder.
Après avoir sauté du coq à l’âne en songe et ce tout en leur trouvant un lien, la curiosité, cette fichue curiosité, l’incita à sortir de la bulle où elle avait dérivé :

« Watanabe-sama ? »
Une hésitation. Ses mains arrêtèrent brièvement leur ouvrage.
« Si vous avez encore du temps à m’accorder, en attendant que votre aide trouve mon ainé, puis-je vous demander quelque chose s’il vous plait ? »
Elle fronça les sourcils, se rendant compte qu’elle n’avait jamais interrogé Isao à ce sujet.

« Est-ce que le temple a des archives à part ? Je veux dire, un lieu particulier où sont répertoriées uniquement les histoires que l’on raconte ou les interrogations que certains peuvent se poser au sujet de nos loués kamis ? »
Il y avait tant de choses qu’elle ignorait encore sur ce qu’elle surnommait le domaine de son aîné.

Watanabe Shiori
Renge
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Ven 14 Mai - 14:30
  
L’atmosphère feutrée du samusho réchauffait visiblement les deux aventurières du jour. Les gouttes de pluie résonnaient dans un rythme régulier sur le toit, plongeant la pièce dans une torpeur sereine, bercée par une mélodie bien plus appréciable à l’abri. Le silence apaisant ne s’en voyait aucunement troublé, halte bienvenue après une course imprévue et humide. Le thé déposé au centre de la table participait à rendre chaleureuse une ambiance déjà accueillante et agréable, en emplissant l’espace de ses notes fleuries et de ses voluptueuses vapeurs gourmandes. De son regard clair et brillant d’une bienveillance naturelle, la maîtresse des lieux appréciait cet havre de paix bien mérité. Machinalement, elle se tamponnait le crâne avec le tissu prévu à cet effet, dénouant le chignon qui retenait ses longs cheveux noirs, tombant en une rivière soyeuse sur ses épaules. Elle stoppa son geste dans un sourire rassurant mais connu d’elle seule, s’approchant de la jeune femme qui requérait son aide.

“ Bien sûr, déchargez-vous sereinement, je suis juste là. ” souffla-t-elle doucement en posant une main séchée sur la menotte qui tenait amoureusement son œuvre, pour mieux la guider. Elle réceptionna avec l’attention promise le cadeau prévu à l’intention du Jokai et posa ses yeux curieux sur le visage représenté. Ses sourcils se haussèrent d’une agréable surprise lorsqu’ils caressèrent les traits juvéniles empreints d’une vague insouciance qui lui restait étrangère. Peut-être n’avait-elle jamais eu la chance d’attraper ces brefs instants où le dédain et l’amertume quittaient son masque d'Élu. La pulpe de ses longs doigts fins glissèrent précautionneusement sur les plis d’un sourire figé, appréciant la finesse du travail et la qualité du rendu final.

“ Il est magnifique. ” confia-t-elle plus pour elle-même que pour sa vis-à-vis, toute à sa contemplation. L’appréhension de l’artiste pour son œuvre la tira de ses pensées, et elle retira sa main indésirable avant de reprendre, d’une voix plus sûre : “ Votre travail est vraiment éblouissant. Je n’ai aucun doute quant à la joie de votre honorable frère ; il va l’aimer, c’est certain. ”

Délicatement, elle se pencha au-dessus du meuble central et déposa la sculpture au centre, près du plateau de thé, suffisamment loin du bord pour éviter toute maladresse et incident. Assurée du bien-être de sa réfugiée qui se séchait dorénavant plus habilement, Shiori s’éloigna de nouveau vers le coffre qu’elle avait laissé ouvert. Elle s’agenouilla devant et farfouilla quelques secondes dans la pile de tissu avant d’en tirer un kosode écru qu’elle inspecta soigneusement, tout en le dépliant. Un rapide coup d’oeil vers Kasumi l’assura d’une taille adéquate et elle la tête, silencieusement satisfaite de sa trouvaille. Elle avisa néanmoins ses propres atours détrempés et soupira. Bien qu’utile, le contenant avait malheureusement ses limites, il ne s’y trouvait pas d’autres vêtements de rechange et elle favorisait naturellement sa jeune rescapée. Elle se contenta donc de retirer sa veste supérieure, constatant avec soulagement que son nagajuban blanc ressortait indemne de cette douche imprévue. Son invitée ne devrait point trop lui tenir rigueur d’une tenue moins formelle, qu’elle ne pourrait voir.

“ Je vous écoute Sangaigusa-san. ” répondit la Seikai Guji tout en revenant sur ses pas, s’approchant de la puinée qui s’immobilisait à mesure qu’elle parlait. Son masque de curiosité s’étira un peu plus en entendant une question qu’elle n’attendait pas, surprenante et recelant sans doute nombre d’autres interrogations sous-jacentes. “ Absolument. Ici même, dans cette pièce qui me sert d’office, je possède plusieurs rouleaux au sujet du culte du Sūhai. ” elle s’interrompit un instant, observant ce petit bout de femme perdu dans un amas de tissu mouillé mais au front fier et déterminé. À quelles questions cherchait-elle donc des réponses qu’elle ne semblait pas détenir, malgré un frère aîné au sommet de l’Ordre spirituel ? Toute jeune qu’elle était encore, peut-être possédait-elle quelques secrets qu’une oreille familiale ne pourrait écouter sans jugement involontaire ? Ou bien n’avait-elle jamais osé déranger l’Elu d’Omoikane de ses considérations qu’elle pensait sans doute insignifiantes face aux responsabilités de la voix du kami Renge. Qu’importe, elle serait ravie de l’éclairer, touchée par ce visage gracieux et portant haut l’amour qui battait dans son coeur pur.    

“ Voudriez-vous que nous discutions de certaines choses en particulier ? ” demanda-t-elle aimablement, de sa voix basse agréable qui invitait naturellement à la conversation.

Ses iris lilas enveloppèrent la frêle silhouette de cet instinct maternel douloureusement refoulé depuis tant d’années. Cette présence que le destin voulu par Celui qu’elle servait passionnément lui imposait, apparaissait finalement comme l’éclaircie soudaine au centre d’un nuage paresseux. Elle soufflait comme une brise rafraîchissante sur son quotidien de dévote fervente, apportant avec elle une joie nouvelle et une surprise qui ravisait son esprit cortiqué et curieux.

“ Je manque à tous mes devoirs, pardonnez-moi ! Tenez, enfilez ça à la place de votre habit. Il sera, je le crains, un peu grand, mais cela vous réchauffera le temps que le vôtre séche. ” s’excusa-t-elle humblement, tendant la veste préalablement dépliée pour faciliter son passage, et qu’elle tenait contre elle, distraite par ses pensées. “ Installez-vous confortablement, je vais attraper quelques ouvrages qui satisferont peut-être votre attention. ”

Ses pas s’éloignèrent discrètement, absorbés par le sol en tatami. Parvenue devant sa bibliothèque, la haute-prêtresse attrapa plusieurs rouleaux de papier de riz, sans hésitation aucune quant aux contenus qu’elle connaissait par coeur depuis si longtemps.

“ Eh bien voilà ! Dites-moi, Sangaigusa-san, comment puis-je éclairer cet esprit embrumé d’interrogations ? ” questionna-t-elle gaiement, déposant ses trésors historiques sur la table décidément bien chargée.
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❊ Cheveux coiffés en chignon, serti d'une broche de perles. Seul "luxe" de sa tenue quotidienne.

❊ Taille moyenne : 1,66m

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Dim 16 Mai - 14:49
  
À l’instar de la haute prêtresse ou presque, à l’intérieur de cette aquatique prison que formaient les gouttelettes qui tambourinaient dehors, le temps se mit lentement au regard de l’aveugle à paraître aussi voilé qu’à l’extérieur, quoique fort différemment. Nulle question de rage ou de colère dans cette salle qu’elle n’avait jusque-là jamais eu le plaisir de visiter, mais d’une délicieuse torpeur se saisissant notamment délicatement de ses membres, alentissant le rythme des battements de son cœur.
Outre le fumet du thé - Agréable, mais léger à cause de la distance qui les séparaient. -, l’absence d’éléments déchaînés mouchetant les peaux, le tempo lointain et peu placide de la pluie, ou le fait de pouvoir se réchauffer, la présence sereine et lénifiante de Shiori jouait sans doute aussi un rôle dans l’atmosphère apaisante qui régnait.

Il n’y avait guère besoin de voir pour ressentir la douceur des gestes de son interlocutrice, ou entendre le ton empli de bonté qui faisait l’apanage de celle qui régnait sur ces lieux. Il suffit à Kasumi, par exemple, de prêter attention lorsque l’aînée du duo vint l’aider encore et prendre la statuette qui terriblement l’encombrait. L’hôtesse de la place ne força rien, se contentant de poser au bon endroit sa paume pour lui permettre de la situer tout en lui expliquant son mouvement et l’incitant à se défaire de ce qui trop la chargeait.
Il n’était pas nécessaire de compter sur son sens manquant pour comprendre qu’Omoikane avait eu la grâce de la faire tomber sur une guide plus amène qu’elle ne le méritait. Moins délicate l’aurait déjà menée à la porte de son aîné et ce qu’importait son état, ou l’aurait laissée livrée à elle-même dans quelque pièce dont elle ne se remémorait plus les angles. Moins gracieuse ne lui aurait sans doute guère fait non plus un compliment si agréable à ouïr.
L’artiste en fut malgré tout surprise et inclina la tête en réponse.

« Vos mots sont trop bons. »

C’était là une réaction automatique, de celles qu’elle servait après des dires dont elle ne s’estimait pas digne. Il n’y avait malgré tout point de mensonge en son geste ou ces propos, même si celle qui les prononçait n’était pas d’accord sur le fond de certaines des gentillesses émises.

La seule chose qu’elle trouvait d’éblouissant à son ouvrage, outre ce fantastique, ce génial, ce mirifique potentiel minuscule début de piste qu’elle songeait avoir regagné, était le fait qu’il représentait, esquissait, une personne à qui cet adjectif-là convenait parfaitement. Un nombre conséquent de défauts ridicules, tels par exemple qu’une courbe légèrement mal gérée ou un manque de détails miniatures, faisait qu’elle ne considérait clairement pas sa sculpture à la hauteur de la magnificence de son frère. Enfin. De toute manière, rendre exactement la grandeur de son aîné était au-dessus de ce qu’elle jugeait être ses capacités en dehors de la bénédiction que leur kami lui avait offert.
N’étaient-ce que les yeux d’Isao, pour les citer. Comment recréer sans faillir leur hargne, sans oublier la tendresse et l’amour qu’avant elle y lisait ? Rien que la promesse impossible à démêler qu’ils offraient lorsqu’il le souhaitait était bien trop indescriptible, trop belle, pour être parfaitement façonnée par de simples doigts humains.
Ceux de son sang ne se complaisaient généralement fort heureusement éternellement dans le malheur, aussi, si elle regrettait ses manquements, ne s’en plaignit-elle pas ou ne les fit remarquer. Tout au plus les oublia-t-elle plus rapidement qu’ils étaient revenus s’imposer à son esprit.

La jeune femme se mit à se sécher avec l’entrain qu’on lui connaissait. Quand vinrent plus tard les premières réponses de Shiori à sa question fortuite, la sculptrice découvrit à la scène à laquelle elle prenait part un autre charme accidentel : celui de pouvoir épuiser une partie de son insatiable curiosité. Ses yeux s’écarquillèrent un peu, excités par cette trouvaille qu’elle n’avait pas osé espérer toucher du doigt si facilement et sa bouche s’anima encore.
Sans doute se serait-elle aussi mise à applaudir de joie si elle avait déjà partagé plus d’amitié avec celle qui lui apportait si intéressante nouvelle. Dans la situation actuelle, elle hésita cependant à faire montre de davantage de gaieté, se rappelant momentanément que la politesse et la tempérance étaient de mise face à plus sage qu’elle. Un petit silence débordant de sa fringale de bonheur innocent s’installa, radieux. La rêveuse fit passer tout son poids d’un pied à l’autre, comme pour éviter de trépigner. Ses doigts ne se remirent pas tout de suite au travail, statufiés dans l’étoffe qui ne lui appartenait pas et glissait sur sa peau.
Après avoir refermé ses lèvres une fois, elle ne les rouvrit que pour demander, toujours trop curieuse :

« Tous les temples en ont-ils comme vous ? Cela ne vous causera pas de soucis, Watanabe-sama, si vous partagez avec moi des morceaux de ceux-là ? »

Si la Seikai Guji avait eu la capacité de lire ce qu’autrui savait, elle aurait su qu’elle avait raison à moitié. Il existait bien deux ou trois interrogations que la puînée n’avait jamais osé confier à son Jokai de frère, mais ce n’étaient guère celles-ci qui venaient actuellement fureter dans les pensées conscientes de la cadette. Elles étaient bien trop personnelles, trop intimes, tout en étant bien trop puériles, pour être revenues au-devant de sa mémoire dans la situation actuelle. Et puis ces interrogations d’enfant ayant peur de mal faire n’étaient habituellement partagées que lors des prières muettes que la Sangaigusa s’autorisait tardivement, comme de minuscules secrets sans intérêt qu’il ne fallait surtout pas évoquer autrement que camouflée, dans le noir le plus total, pour que les mots qui les composaient ne deviennent jamais une totalement futile réalité.
Non, aujourd’hui, seule sa naïve soif de combler quelques lacunes oubliées la possédait. Elle brûlait du désir d’entendre un mythe, un conte, une explication qu’elle ne possédait pas encore, de s’engager sur un chemin de rêvasseries qu’elle n’avait pas l’habitude d’emprunter. Dans sa caboche, se mirent à s’entremêler les diverses possibilités pour ce faire, toutes trop pressées d’obtenir réponse, lui faisant de manière éphémère perdre le fil des interrogations qu’elle était prête à poser. La délicate prêtresse lui sauva pour la énième fois la mise en lui confiant un nouveau tissu drapé.

Ne sachant guère que faire de celui qu’on lui avait déjà offert, Kasumi se contenta d’accepter et de découvrir à tâtons la veste dépliée, après avoir lentement posé l’équivalent de serviette sur l’un de ses propres bras.

« Je ne sais vraiment comment vous remercier ; ce sera parfait. Où souhaitez-vous que je me change ? »

Peu désireuse de saborder d’autres tatamis à grand renfort d’eau de pluie, pas spécialement prude surtout vis-à-vis d’une autre femme, mais ne voulant importuner si l’idée d’un léger déshabillage au sein de l’antre qui lui appartenait en particulier pouvait gêner d’une façon ou d’une autre son interlocutrice, elle patienta jusqu’à ce que Shiori lui réponde et la guide si nécessaire.
Où qu’il se déroula, le changement de vêtements fut aussi malhabile que sa question.

Jonglant entre ses poignets, la plus jeune prit tout d’abord le temps d’essayer de plier l’étoffe humidifiée par son séchage. Si le résultat fut plus proche d’une catastrophe que d’un joli carré bien net, ce ne fut pas parce qu’elle ne mit point de cœur à l’ouvrage ; disons simplement que mettre le bazar et tout rouler en boule étaient bien davantage ses spécialités, surtout ainsi distraite par de menues historiettes à venir.
L’objet redesigné au sol fut posé. Il ne vint pas un instant à l’esprit de la sœur d’Isao que sa douce aînée avait pu lui confier son unique change, sûre qu’elle était du fait que son hôtesse avait dû terminer de se rhabiller tandis qu’elle prenait le gros du temps passé pour enlever le plus d’eau possible de sa personne.

Après avoir bataillé sans méchanceté avec la première couche de ses atours alourdis par la météo, quand arriva le moment de passer - pas parfaitement - le kosode, Kasumi parut s’amuser des manches plus courtes que celles qu’elle portait habituellement. Le temps de tapoter ensuite sa coiffure sans doute en bien mauvais état et elle eut l’air plus que ravie d’avoir bien moins de poids à porter.
Le nouvel habit n’était pas trop grand, ou tout au plus à peine. La différence de taille entre les deux femmes n’étant que de quelques centimètres, cela ne la faisait clairement pas se noyer dedans à la manière d’une enfant essayant les costumes de ses géants de parents.

Tout comme le linge presque autant mouillé, son ancien vêtement fut gentiment froissé en une tentative d’au contraire bien le présenter. Elle se plia par la suite, chercha des doigts et la chose informe qui ressemblait avant à une étoffe pour se sécher et son bâton. Les tissus encombrants furent empilés et… Elle ne sut trop quoi en faire, en vérité.
La puînée n’osa pas les laisser choir encore ou les envoyer valser contre un mur, car combien même l’ambiance était chaleureuse et accueillante, il y avait des aises qu’on lui avait appris à ne pas prendre en dehors de sa maisonnée.

Shiori se fit à nouveau merveilleuse une fois ses tâches à elle terminées, la coupant dans ses questionnements d’ordre pratique, l’interrogeant sur ce dont elle rêvait. Tout de suite, la curiosité maladive de l’invitée surprise reprit le dessus, redonnant à son visage un air complètement enchanté.
De joie, la fille toujours debout fit un pas légèrement chassé vers son interlocutrice. Cette fois-ci, deux premières questions fusèrent, comme si elles avaient toutes ensemble décidé seules de leur ordre de passage durant le laps de temps qu’avait duré la fin de sa toilette.

« Pensez-vous posséder dans vos trésors des faits que nos aînés oublient fréquemment de nous transmettre ? »
Furent ses premiers propos qu’elle tenta d’expliciter :
« Existe-t-il, Watanabe-sama, de magnifiques histoires sur le culte de nos kamis que bien trop de monde laisse de côté ? »

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Mer 23 Juin - 23:35
  
D’un regard débordant de tendresse, la prêtresse avisait le jeune corps qui prenait possession de l’habit sec. Un instinct de pudeur l’empêchait de se jeter à son secours et de l’aider à enfiler une manche récalcitrante. Une main timide se tendit dans l’attente d’un appel à l’aide mais retomba bien vite. L’aveugle se débrouillait, sans doute parée depuis bien longtemps aux difficultés qu’amenait sa condition. Peut-être n’y prêtait-elle même plus attention finalement ; depuis combien de temps vivait-elle ainsi ? Le masque de curiosité se teintait d’une inquiétude maternelle alors que l’esprit de la religieuse vagabondait entre interrogations et suppositions. Oserait-elle la questionner à ce sujet ? La bienséance d’une conversation entre deux inconnues presque parfaites l’en empêcherait certainement. Mais le besoin du savoir universel qu’elle nourrissait naturellement, - les gênes des Renge l’en prédisposaient d’autant plus, - finirait par la pousser à demander ouvertement. D’autant qu’il était absolument hors de question de questionner Isao à ce sujet ! Elle ne voulait pas risquer de perdre les bonnes faveurs qu’il lui accordait, après avoir autant œuvrer à ses côtés pour être reconnue à sa juste valeur.

Le fil de ses réflexions échappait de plus en plus au contrôle de sa volonté et ce fut le bruit du tissu alourdi par l’eau, que l’on pose, qui lui fit reprendre contenance. Elle sentit ses paupières cligner plusieurs fois, retrouvant la lumière du moment présent lorsqu’elle s’inquiétait du bien-être de son hôte improvisée. Celle-ci se tenait installée près de la table chargée des divers ouvrages historiques, du plateau de thé et de la fameuse sculpture qui l’avait mené jusqu’ici par ce temps. Ses iris clairs décrochèrent du visage poupin et tombèrent sur les linges imbibés, pliés dans une tentative à peu près respectable de rangement. Un sourire plein de compassion et d’un doux amusement étira ses lèvres roses, sans reproche aucun pour l’état d’inondation avancée du sol en tatami.

D’ailleurs, la puînée Sangaigusa ne lui laissa pas plus le temps de se perdre à nouveau dans ses pensées, exprimant avec un entrain surprenant ce que son cerveau, irradiant d’une vive curiosité, cherchait à résoudre. Shiori haussa ses sourcils noirs, d’abord étonnée de la teneur de ces interrogations ; plus précises, plus recherchées, que ce à quoi elle s’attendait. L’intérêt de la cadette ne se dissimulait pas derrière le simple prétexte de devoir attendre son frère en faisant une banale conversation. Il s’avérait aussi authentique que les questions innocentes mais oh ! combien profondes, des enfants en quête de découverte et au regard brillant d’appétit intellectuel. D’un léger raclement de gorge, la Seikai Guji éclaircit sa voix de basse, peu accoutumée à se lancer dans de très longues histoires comme celles qui grouillaient dans son esprit, stimulée par l’attente avide de savoir de la jeune femme face à elle.

“ Eh bien, il est vrai que de très nombreux récits existent en Kogōten, à propos de nos vénérés Kami. Comme vous l’avez si bien demandé, la grande majorité des ouvrages que nous pourrons qualifier de “classiques” reprennent l’histoire de nos ancêtres que nous connaissons tous. Mais il existe effectivement quelques œuvres, plus rares sans doute, dont les versions diffèrent quelquefois. Elles ne remettent pas notre monde en question, elles le précisent plutôt, le contrastent même en prêtant aux divinités des caractéristiques … plus humaines pourrais-je dire. ” commença la haute-prêtresse, dont le corps si calme habituellement, s’enhardissait de quelques mouvements de mains ponctuant ses mots.

D’un bref silence, elle marqua le prélude de ses nombreuses paroles à venir. La fervente passion qu’elle nourrissait depuis son plus jeune âge semblait éclairer un peu plus ses prunelles bleutées, déjà, alors que les échos de ses pensées se bousculaient aux portes de sa bouche rosie. L’éclat de l’impatience habillait son visage laiteux, le port relevé de deux sourcils noirs trahissait l’envie de partager tout ce qu’elle pourrait sur un sujet qui l’habitait quotidiennement. Elle tempéra néanmoins son enthousiasme, si peu habituel au passage, en se concentrant sur la théière fumante. Ses longs doigts effilées s’enroulèrent autour de l’anse tiède et tinrent maintenu le couvercle en céramique, alors que d’un mouvement gracieux, elle penchait l’objet en avant. La boisson chaude fut versée dans un son délicat d’écoulement contenu, parsemant sa surface verte translucide de maints cercles ondoyant. Un discret claquement accueillit le contenant principal sur le plateau, suivi d’un autre plus doux encore, lorsque la tasse fut adressée à Kasumi. Précautionneusement, la maîtresse des lieux la tint près de son invitée mais suffisamment loin du bord pour éviter tout incident lié à sa cécité. Elle ne toucha que brièvement à la sienne, se contentant de maintenir ses mains autour de l’argile cuite pour y puiser la chaleur agréable et nécessaire après l’humidité d’une promenade écourtée. D’un souffle vaporeux, elle prépara ses prochaines paroles, les choisissant avec autant de soin qu’à la veille d’une cérémonie.

“ J’ai conscience que votre éducation religieuse familiale n’a rien à envier au plus dévot de nos prêtres mais j’espère pouvoir vous apprendre ne serait-ce qu’un détail avec ce récit. ” Elle accompagna ce prélude d’un geste rapide, saisissant l’un des rouleaux de papier de riz qu’elle déroula, les traits figés par la sévérité convenue et naturelle qu’elle arborait à tout instant. “ La sagesse et le conseil représentent un héritage inestimable de notre Gardien tutélaire, Omoikane-sama. De tous temps et par tous, notre nation fut et reste connue pour représenter l’intelligence de la réflexion, le discernement et la perspicacité de l’esprit illuminé par une sagacité naturelle. Pourtant, l’esprit aiguisé de notre Kami s’est souvent joué des demandes et des sollicitations qui lui étaient adressées. Quelques ouvrages, comme celui-ci…” Elle se penchait légèrement au-dessus de la table pour positionner ladite œuvre en direction de la jeune artiste, l’invitant d’une caresse du bout des doigts sur l’avant-bras à découvrir par elle-même les discrets reliefs qui illustraient le texte. “ représentent Omoikane-sama comme une déité incarnant la sagesse mais également et surtout, la ruse. Aussi loin que ces histoires nous l’apprennent, elles mettent en avant un trait connu mais souvent mis de côté. Le nébuleux intellect de notre Gardien engendrait des réponses toujours catégoriques mais très peu avisées pour quiconque ne savait déceler le trait d’esprit camouflé. L’exemple le plus frappant et qui est représenté sous vos doigts, concerne l’historique plan qui permit de faire sortir Amaterasu-sama de la grotte, au cœur des monts Saigoronui, où elle s’était réfugiée. L’enseignement classique nous apprend évidemment qu’Omoikane-sama est à l’origine de l’idée qui rassembla nos Kami majeurs et qui aboutit à la réussite de la mission. Une étude plus poussée vous apprendra qu’avant toute ébauche d'organisation, il fut sollicité au moins cinq fois avant qu’une réponse claire et précise ne soit comprise. ”

Les mots se turent un instant, alors que d’un battement de paupières, elle relevait les yeux pour s’assurer de l’intérêt constant de son unique auditrice. Satisfaite de son écoute attentive, elle ne tarda pas à reprendre, laissant sa voix profonde bercer Kasumi d’anecdotes et autres détails historiques et spirituels. Le plaisir qu’elle prenait à transmettre une connaissance accumulée depuis tant d’années irradiait un visage habituellement marqué par l'exigence de son statut.

Les pas feutrés glissèrent derrière le shōji, ramenant la conteuse improvisée à la réalité. Parler près d’une demi-heure sans s’interrompre, plongée en plein cœur de son domaine de prédilection, lui avait fait perdre la mesure du temps. Et assécher la bouche. D’un tapotement sur la table, elle requéra l’entrée, portant un regard curieux sur la silhouette longiligne de la miko revenue.

“ Watanabe-sama, je n’ai pu m’adresser directement à Sangaigusa-sama. Une cérémonie en cours l’occupait encore à mon départ, mais j’ai averti l’un de ses akūso afin de le prévenir de votre appel. ”

La jeune religieuse s’inclinait naturellement, alors que d’un hochement de tête, Shiori marquait son contentement, reposant la tasse encore chaude qu’elle venait de porter à ses lèvres. Poliment, elle masqua la bouche humide de thé de ses doigts serrés, prenant le temps de profiter de la gorgée parfumée avant de répondre.

“ Parfait. Si le temps se rend plus clément, faites un saut au sake-michi et rapportez-moi un vêtement sec. Je ne suis pas en tenue pour recevoir notre Élu, espérons que la cérémonie le retarde encore un peu. ” Ses prunelles claires suivirent le départ de la suivante, qui ne perdit pas un instant et virevoltèrent ensuite jusqu’au visage poupin près d’elle. Le timbre bas de sa voix se teinta de taquinerie alors qu’elle soufflait, presque sur le ton de la confidence : “ J’imagine la surprise de votre frère lorsqu’il vous trouvera ici. Je suis à peu près certaine de me faire gronder pour vous avoir laissé trop longtemps sous la pluie ! ” Un sourire mutin éclaira son visage de porcelaine à l’idée même du visage fermé de son Jokai admiré. Traces de vie sur des traits presque parfaits, la morsure de la pluie froide colorait ses pommettes d’un rose gracieux, soulignant la clarté d’un regard franc et inondé de douceur. Dénoués de leur coiffure quotidienne partiellement détruite par l’averse, ses cheveux noirs de jais encore humides tombaient dans le dos, droit, simplement rassemblés dans la nuque par un ruban sombre. La pointe balayait ses reins lors de ses mouvements les plus rapides, alors que deux longues mèches encadraient la toile vivante de son visage. D’une poigne souple, elle réajusta le col de son nagajuban, avisant rapidement la correction de sa tenue, tout en questionnant à son tour Kasumi.

“ Voulez-vous, cette fois, me parler un peu de vous Sangaigusa-san ? Quelles merveilles produisez-vous chaque jour de vos mains agiles ? ”

Une simple interrogation, pourtant peinte d’un intérêt certain pour ce bout de femme qui, le présumait-elle, devait sans doute prouver chaque jour sa juste valeur pour n’être que la soeur du Jokai Renge.
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Jeu 8 Juil - 4:27
  
Tandis que la haute-prêtresse commençait son introduction à des histoires anciennes et plutôt rarement étudiées, Kasumi lui glissa simplement parfois un assez timide sourire curieux, faisait parvenir furtivement cet encouragement presque secret quoiqu’inutile à ne pas s’arrêter là.
Respectueuse vis-à-vis de la conteuse, la sculptrice ravie de sa bonne fortune s’était ordonnée de faire silence, tout le temps du moins que la dame s'évertuerait à l’émerveiller de cette manière et à lui enseigner des faits qu’elle ne connaissait pas obligatoirement. Aussi, le tout en se montrant la plus sage possible, ne comptait-elle que sur ses expressions pour prouver combien cette discussion continuait à l’enchanter véritablement, surtout à présent qu’on lui s’apprêtait à gracieusement lui confier ce qu’elle avait osé demander.

Elle musela si bien son ineffable curiosité habituelle, et se fit si discrète, que tout au plus put-on entendre de sa part le froufrou d’une manche, lorsque la religieuse l’incita par la suite à toucher un ouvrage. La jeune femme tatonna alors pour effleurer l’objet qu’on lui présentait si aimablement, n’osant ni refuser au risque de laisser passer sa chance, ni trop laisser s’attarder ses doigts sur le trésor qu’on lui permettait d’approcher de crainte de le salir ou de le froisser.
La rapide découverte, ainsi faite sous sa main, rajouta à son actuelle mine attentive une pointe d’incrédulité qui mit, elle, du temps à s’effacer. En remerciement de ce énième présent, une fois son exploration terminée, la cadette inclina doucement la tête, toujours muette.

Les récits qui suivirent et que lui offrit l'aînée du duo subirent exactement le même traitement. À l’instar de celui de Shiori, son visage, les anecdotes passant, se fit succinctement davantage vivant.
Peut-être fut-ce un peu grâce à la chaleur du thé non loin d’elle, ou aux vêtements secs point totalement bien passés qu’on lui avait fourni. À n’en pas douter, son apprentissage actuel était cependant la cause principale du rose qui revint rapidement sur ses joues et de l’air radieux qui se permit d’orner à nouveau et presque définitivement ses traits. Ou encore des froncements de sourcils excités, ainsi que des petites moues étonnées qu’elle eut parfois, lors des passages les plus prenants.

Kasumi apprécia donc simplement l’instant un peu hors du temps. La voix douce de la Seikai Guiji, accompagnant ses mots bien choisis, ravissait son esprit rêveur. Tant et si bien d’ailleurs que la puînée sembla longuement en délaisser sa boisson.
Non par malpolitesse volontaire, la tasse si désirée et si gentiment servie fut en effet de son côté aussi à peine touchée ; la personne à qui elle était destinée était trop pendue aux lèvres de la conteuse éphémère pour que lui revienne réellement l’envie ou la pensée de boire. Les palabres dont elle était la destinataire parurent suffire à totalement finir de la réchauffer.

Il fallut par extension attendre l’interruption de la miko, ou que la religieuse mieux gradée prenne une gorgée, pour que l’autre présente ose faire autre chose qu’écouter. Et encore ne le fit-elle point fort rapidement, toujours légèrement perdue au sein des mythes et propos dont on l’avait comblée. La raison de sa présence ici rappelée la fit par exemple uniquement et lentement papillonner des cils.
Onii-chan. Elle l’avait complètement et brièvement oublié, son adorable et merveilleux frère. Une petite note de culpabilité, liée au fait de s’être encore laissée transportée loin par des mythes, finit par se mélanger à sa salive et emplit sa bouche sans pour autant s’attarder. L’expérience avait été trop bonne pour réellement la regretter. La puînée s’inquiéta de même à peine alors que Shiori la taquinait ; l’idée d’entendre son adelphe gentiment pester sans réellement se fâcher avait récupéré ce qu’il fallait pour la faire fondre, à présent que la réalité l’avait ramenée.

« Je ne voudrais que les circonstances de ma venue vous attire le moindre souci. »
Répondit-elle malgré tout prestement, réitérant par là son souhait de ne pas trop s’imposer.

Peut-être en réponse à celui de la haute-prêtresse, ou parce qu’elles rediscutaient là d’un autre de ses sujets de prédilection, un énième sourire attendri revint bien vite étirer ses lèvres.
Qu’elle se sentait de nouveau pressée, maintenant, que son Jokai de frère ait une seule minute au moins à leur accorder ! Non que la présence de son interlocutrice ait pu lui déplaire d’une quelconque manière - c’était même le contraire -, mais son aîné avait pour elle un charme que personne d’autre ne pouvait se targuer de posséder. N’était-ce pas pour le percevoir, lui, qu’elle avait après tout tenté de braver et les éléments et sa cécité ?

« Mais je suis sûre qu’aniue ne nous en voudra guère davantage de n’avoir su arrêter les pleurs des nuages. »
Ajouta-t-elle, peu haut, d’un ton faussement penaud. Elle imaginait déjà la Voix lui tapoter le front pour la gronder à son tour à propos de sa marche folle et ne put s’empêcher d’en sourire davantage.

Les deux interrogations qui suivirent et lui étaient destinées la surprirent. Elle hocha la caboche en réponse, hésita un instant avant de se remettre à parler.

« Je ne saurais que vous dire d’important sur ma personne, Watanabe-sama. Si vous avez cependant d’autres questions précises, vous me verrez heureuse d’y répondre. Ma famille a eu la bonté de me laisser suivre mes passions. Mon travail se résume donc à tenter de reproduire fidèlement autrui grâce à de l’argile. »

Inconsciemment peut-être, l’un de ses doigts vint déposer un trio de frappe qui ne prit pas plus d’autant menues secondes, sur sa lippe inférieure, avant qu’elle ne reprenne :
« … Et à apprendre chaque jour comment mieux traiter cette agréable matière. »

Rajouter un "réapprendre à manier" aurait peut-être été plus juste, car elle n’était vraiment pas fière de son niveau actuel. Ce presque dont elle avait parlé à son frère quelques levers de soleil plus tôt, cette différence entre l’œuvre ratée et celle approximativement convenable, ou mieux celle merveilleuse à son goût, la poursuivait toujours. Et ce même si elle pensait avoir potentiellement  trouvé un infime, un minuscule indice menant au chemin qui lui permettrait de s’en débarrasser en partie.
Il ne restait hélas au final qu’une supposition heureuse : rien n’était moins sûr que le fait qu’elle ait réellement mis la main dessus, même si cette hypothèse suffisait encore en ce moment à son bonheur.

« Me permettriez-vous aussi de vous interroger sur les savoirs que vous avez eu la gentillesse de me transmettre ? »

Deux nouvelles et courtes questions fusèrent une fois l’accord obtenu, portant sur ce qu’elle avait entendu. Son but était là seulement d’obtenir des précisions à ses yeux intriguantes, non de forcer son interlocutrice à se remontrer loquace si elle ne le désirait point.
Même si elle ne refuserait jamais de nouvelles historiettes, Kasumi n’osa cette fois pas en faire la demande. Isao ne tarderait peut-être plus, et, à sa grande honte, elle avait indirectement appris précédemment que Shiori n’avait pu se changer pour être visible. Il valait donc mieux ne pas se reperdre au milieu de contes, légendes ou mythes, au risque que l’arrivée d’un change ou de son frère empêche de connaître la fin d’une fugace épopée ou d’une autre.

« Le chiffre cinq, Watanabe-sama, est-il important dans le premier récit que vous m’avez conté ? Sauriez-vous aussi, s’il vous plait, où je pourrais trouver ces premières réponses d’Omoikane-sama si incomprises alors ? »

Sangaigusa Isao
Renge
Sangaigusa Isao
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Jeu 8 Juil - 22:19
  
UN MOT AIMABLE EST COMME UN JOUR DE PRINTEMPS
♫ Mission ♪


Comme de fines perles venant rebondir contre les tambours de terre, la pluie s’abattit sur la capitale du Lotus. En tendant l’oreille, Isao pouvait voir. Il imaginait sans mal l’eau retourner la terre. Lorsque le tonnerre retentit, le Jokai fut le seul à ne pas sursauter. Il en aurait souri, s’il avait trouvé ça drôle ; ce n’était pas le cas. Car en cet instant, rien n’était plus important que de mener à la perfection la cérémonie. Le sérieux recouvrait ses traits habituellement exaspérés. Songeant à la possible tempête au-delà des murs qui le protégeaient, le jeune homme s’apaisait. Il récita chaque nom rejoignant les rangs en ce jour, poursuivant la longue prière qu’il articula le plus naturellement du monde. Les jeunes miko et geki, dans leurs parures blanches et rouges, saluèrent leur désormais supérieur à leur tour. Quand enfin chaque individu accueillit se détourna de Isao pour attraper leur branche de sakaki et débuter les uns après les autres la prière clôturant la cérémonie, l’Élu put se mouvoir et virevolter entre les invités. Son jōe aubergine, sur lequel était finement peint les kamon Renge d’un lavande délicat, se frotta contre son hakama colombin. Il rêvait déjà de se débarrasser de sa coiffe de prêtre dont la corde lui grattait le menton. Alors qu’il observait les adolescents d’un oeil sévère lorsque ces derniers débutèrent de servir le saké, l’un de ses akūso vint le déranger, murmurant quelques mots à son oreille.

« Elle va bien ? » s’empressa-t-il tout d’abord de demander, ses yeux agités se posant sur son interlocuteur. Lorsque la réponse fut positive, la Voix glissa aussitôt ses prunelles ailleurs. « Alors, elle peut attendre. »

Il se passa de longues minutes pendant lesquelles Isao conversa avec les spectateurs, profitant de ce rituel de passage pour tisser un peu plus de liens politiques. Finalement il se retira, en s’inclinant comme pour s’excuser sans le dire. Pourquoi l’aurait-il fait ? Le devoir l’appelait ailleurs ; à chaque instant. Il ne prit pas le temps de se changer pour se diriger là où devait se trouver sa soeur et Shiori. Il soupira plusieurs fois en chemin, son visage las en contemplant les giboshi sur sa route. Du même temps on l’interpellait, le dérangeait, lui posait des questions. Une heure de cérémonie équivalait à tout autant d’événements à rattraper. La nuée de prêtres lui tournant autour se dissipa peu à peu pour ne laisser que lui et deux de ses fidèles akūso. Juste à temps : Isao interrompit sa marche face à deux sobres shōji. Il inspira doucement et se tut. Paupières closes, il apprécia un dernier instant le silence qui n’était brisé que par quelques gouttes glissant des toits jusque sur la terre. Puis, d’un geste vif et sec, il ouvrit grand les portes coulissantes en plongeant son regard dans la pièce. Il avait déjà tout balayé, en moins d’une seconde, tandis qu’il glissait sa main hors du bois de l’huis. Déjà ses sourcils se froncèrent et sa moue se renfrogna avec dégoût en observant Shiori.

« Est-ce une tenue pour vous présenter à ma soeur ? » Ses pupilles glacées se tournèrent sur son adelphe ; se réchauffant alors instantanément malgré une mine toujours aussi sévère. « Au moins, le strict minimum a-t-il été fait... »

Ses iris effrayants se posèrent sur les quelques têtes agitées qui ne furent pas les deux femmes à table. Si bien que la pauvre miko, qui avait cru bien faire en s’étant promptement exécutée pour apporter le thé à temps sans que rien ne lui fusse demandé, hésita un court instant quant à ses actes. N’osant croiser les yeux de son supérieur, elle s’éclipsa bien vite en fermant les shōji derrière elle pour laisser les trois intéressés seuls. Lâchant un lourd soupir, le Jokai défit sa coiffe en s’approchant de Kasumi.

« Es-tu réchauffée ? » demanda-t-il en s’agenouillant à côté d’elle.

Il attrapa l’une de ses mains pour en constater la température. Immédiatement, Isao trancha du regard la Seikai Guji, la réprimant de tout commentaire concernant sa proximité avec sa cadette bien qu’il doutait qu’elle l’eut fait. La Voix reporta bien vite son attention sur Kasumi, tenant désormais ses doigts entre ses deux paumes. Sans même aviser le rouleau, l’ayant déjà repéré auparavant, l’Élu posa une nouvelle question de son timbre agacé :

« M’as-tu fait déranger pour la simple lecture du Hakarishirenai sakerarenai yume que j’aurais pu te conter mille fois ? » Puis, de nouveau, ses orbites glaciales se posèrent sur Shiori. Elles étaient cette fois enflammées d’une tendre jalousie. « Où t’es-tu découvert la préférence d’une voix autre que la mienne ? »
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Watanabe Shiori
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Lun 26 Juil - 14:38
  
A son tour toute disposée à écouter ce qu’autrui avait à lui apprendre, Shiori laissa son regard curieux s’étendre sur le visage poupin qui lui faisait face. Attentive aux mots utilisés, aux paroles prononcées, elle n’oubliait pas d’appréhender les expressions faciles qui allaient de pair avec les réponses données. Et par Omoikane, cette jeune fille pouvait se targuer d’être aussi expressive que les œuvres d’art qu’elle réalisait de ses mains agiles ! Tantôt la mine concentrée, parfois traversée d’une surprise passagère laissant place au songe de la compréhension, le ravissement - où tout du moins ce que la prêtresse interprétait comme tel -, ne semblait point quitter la délicatesse de ses traits. Dans sa muette contemplation, la Seikai Guji assistait à une véritable scène de théâtre, ou peut-être plus justement à la réalisation d’une estampe vivante, sur la toile pure d’une peau laiteuse.

Elle haussa finalement les sourcils, piquée dans la sincérité de son intérêt pour la puînée Sangaigusa. Celle-ci ne trouva que peu de choses à dire à son sujet et resta d’une modestie déconcertante, quand son interlocutrice s’imaginait déjà tant de belles choses à apprendre d’elle. Shiori se contenta donc de hocher la tête en silence, réflexe désuet mais instinctif de celle qui avait l’habitude d’écouter et d’observer. Ses doigts se croisèrent sur la table dans le froissement discret des fines manches alors que ses pouces se tapotaient l’un l’autre. Légèrement, elle pencha la tête à droite, soumise à ses propres réflexions ; puis à gauche, et ses lèvres se serrèrent d’hésitation.  

“ Et bien, je ne saurai oser être plus précise sans peur de paraître indiscrète. Mais il est vrai que votre talent est époustouflant pour un âge que je devine encore jeune, d’autant qu’il semble être mis à rude épreuve … J’imagine que vous avez dû vous habituer à travailler autrement ? ” interrogea-t-elle aussi subtilement que possible, afin de ne paraître ni incorrect, ni d’une avide et malsaine curiosité. Elle dénoua ses mains pour venir se saisir de la tasse encore chaude et la porter à ses lèvres, dans une aimable distraction. Quelle que fut les réponses qu’elle reçut, elle n’insista pas d’avantage sur un sujet encore trop intime pour deux inconnues et se contenta aisément de ce qu’elle entendit.

Un fin sourire dévoila la blancheur de ses dents, brièvement, alors que de nouveau, Kasumi l’interrogeait à propos des Kami et de leurs légendes. Elle nourrissait décidément une curiosité bien au-delà des banales interrogations que la plupart des fidèles se posaient au cours de leur existence. D’un doigt distrait, portée par cet engouement, Shiori arrangea l’une des mèches noires qui tombaient près de son visage, ouvrant une bouche inhabituellement bavarde.    

“ Les récits que je vous ai contés sont autant de faits avérés que d’interprétations issues de diverses sources. Il existe plusieurs théories possibles concernant ce chiffre cinq, mais la plus probable découlerait du nombre de kami entourant Omoikane-same à cet instant et correspondrait de fait, à ceux-là même qui veillent sur les clans du Kōgoten. ” laissant sa voix s’éteindre temporairement, la conteuse improvisée apprécia la satisfaction que lui procurait cet apprentissage inattendu avant de reprendre. “ J’ai, dans mes souvenirs, feuilleté un ouvrage à ce propos lors de mes années d’études. Il doit toujours se trouver aux Archives. Si le coeur vous en dit, nous pourrions nous y rendre ensemble afin d’étudier ce…” Sa phrase ne trouva pas de fin, coupée dans son élan par la soudaine ouverture des shōji. Il ne fallut que quelques secondes pour que la tension palpable ne prenne possession des lieux. Une fraction de plus pour deviner aisément à qui appartenait cette aura.  

Hâtivement redressée, la Seikai Guji s’inclina respectueusement. Les mains sur les cuisses, elle laissa ses paupières tomber quelques secondes sur ses yeux, comme un dernier rempart de paix avant la tempête à venir. Et qui ne tarda pas. Un soupir s’échappa de ses lippes, accusant le coup d’une première réflexion quant à sa tenue. Elle ne chercha pas à répondre, se contentant de lui offrir une moue affable quoique maquillée d’une pointe de consternation. Et en silence, toujours, elle s’agenouilla à nouveau à sa place, se contentant d’observer avec une curiosité nouvelle, le comportement d’Isao avec sa sœur.  

“ Et bien, je serai navrée d’apprendre qu’une voix que je pensais vous être agréable et familière ne devienne gênante. ” s’entendit-elle répondre finalement, une pointe d’agacement dans la voix. Elle manqua regretter sa remarque, mais elle ne put se résoudre à camoufler la pointe de vexation qui lui étreignit rapidement la gorge. Les sourcils froncés, elle appuya ses deux sur le plateau en bois massif de la table pour se relever à nouveau. “ Mais bien plus que la voix, n’est-ce pas l’essence du récit qui importe ? ” ajouta-t-elle dans un souffle, deux orbes étincelantes s’accrochant à la froideur quotidienne d’un regard incisif. Elle soutint un instant la glaciale attention avant de l’ignorer et de se concentrer sur les divers ouvrages éparpillés face à eux. Prestement, elle rassembla les rouleaux, les enroula précieusement et, les bras chargés, pivota sur ses talons pour s’éloigner en direction de la bibliothèque. Elle ne comprenait pas tellement d’où lui venait cette subite exaspération, peut-être le regard qu’avait porté Isao sur elle ? Elle gardait l’habitude d’y lire du dédain, sans que cela soit plus rassurant mais au moins y était-elle accoutumée et savait-elle déceler ce qui se sous-entendait derrière. Un grattement à l’entrée de la pièce éteignit le feu de ses pensées. Le coulissement feutré des portes se fit entendre et la miko passa une tête timide dans l’entrebâillement, annonçant l’arrivée d’une tenue sèche pour la prêtresse.

Ah ! Enfin ! Veuillez m'excuser un instant, je devrais songer à déménager ma modeste garde-robe ici en prévision de ces rares occasions. ” ironisa-t-elle en retournant sur ses pas. Gracieusement, elle se baissa près de l’Elu, croisant rapidement son regard avant d’attraper les serviettes mouillées et l’habit trempé de Kasumi. Elle se redressa sans un geste de plus et s’avança vers la sortie. “ Du thé chaud est à votre disposition. Ainsi que des gâteaux. ” piqua-t-elle innocemment, évoquant une précédente rencontre avec le Jokai, dans un dernier sourire taquin avant de disparaître dans le couloir.    

La suivante l’emmena à l’écart, dans une pièce annexe servant habituellement aux réceptions en petit comité. Elle ferait, cette fois, l’affaire pour un rapide changement de vêtements. Aidée, Shiori apprécia la sensation de sa peau nue quelques secondes, enfin débarrassée d’une humidité collante et désagréable. Elle frotta ses mains l’une contre l’autre, cherchant par la même occasion à se réchauffer plus vite et à ne pas perdre de temps. Elle enfila un kimono aux discrets motifs et ajusta un hakama d’une teinte mûre, maintenu par un obi clair dont les détails rappelaient le tissu principal. Elle n’attendit pas plus, savoura la légèreté des tabi sèches et fila en direction de son office. D’un salut rapide elle marqua son retour, d’une démarche flottante elle retrouva sa place. Ses longs cheveux ébènes se balançaient au rythme de ses mouvements. Une fois assise, elle entreprit de les renouer simplement au-dessus de la nuque, posant un intérêt certain sur le duo qui se trouvait face à elle avant de prendre la parole.

“ J’ai trouvé votre sœur en fâcheuse posture quand l’orage s’est déchaîné. J’ai pensé que vous seriez plus rassuré de la savoir ici, avec moi, qu’arpentant le sanctuaire à votre recherche malgré le temps. Ce qui s’avérerait tout à fait crédible, n’est-ce pas ? ”

Ses prunelles brillantes d’un tendre amusement quittèrent la rigueur du visage du Jokai pour s’échouer sur ceux, miroitant une douceur innée, de sa cadette. Un bref instant, un voile passa sur le bleu fleuri de son regard, admirant le lien fraternel qui semblait unir les deux jeunes gens. Une relation privilégiée qu’elle n’aurait plus l’occasion de voir éclore dans les cendres de son passé. Elle tint un soupir et détourna le visage. Un sourire aimable se composa sur ses lèvres roses, chassant la brume dans ses grands yeux clairs. Au moins se trouvait-elle la chanceuse spectatrice d’un si bel amour.  

Codage par Libella sur Graphiorum
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Âge : 32
Occupation : Haute-Prêtresse
Caste et rang : Caste Spirituelle - Seikai Guji de Chishiki
Informations : ❊ Tenue régulière composée d'un hakama mauve et d'un kosode blanc rehaussé des Kamon de sa famille et de Renge.

❊ Cheveux coiffés en chignon, serti d'une broche de perles. Seul "luxe" de sa tenue quotidienne.

❊ Taille moyenne : 1,66m

❊ Bénédiction : ヨミの道 - Yomi no michi


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