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Sangaigusa Isao
Renge
Sangaigusa Isao
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Sam 10 Avr - 23:04
  
L’HARMONIE DES BOURGEONS UN MATIN DE PRINTEMPS
♫ The Red Thread ♪


Il caressa du regard les udatsu en tuiles qui dépassaient du toit à pignons. À la fois étrangère et familière, l’immense demeure Sangaigusa provoquait mille émotions contraires dans le cœur de métal du Jokai. Le silence était comme d’habitude le maître absolu des lieux. Le chant des oiseaux mêlé à une brise timide étira un sourire satisfait sur le visage sévère de l’Élu. De sa marche sûre il n’y avait aucun bruit ; Isao avançait tranquillement malgré un pas assuré sur les pierres ishi. Le printemps avait légèrement fait remonter les températures, si bien que la neige ne tenait plus. L’humidité ambiante et la vive teinte verte de la mousse incarnaient néanmoins le souvenir de son passage récurrent. Le vent jouait avec les nouvelles feuilles des sugi au lieu de chasser les quelques nuages dans un ciel encore un peu blanc. Une lumière tamisée, aussi sereine que le reste de la maisonnée, comme si rien ne désirait trop se faire entendre ni se faire voir.
Au fur et à mesure qu’il avançait, le Capricieux pouvait entendre le coassement des crapauds. Il dépassa un étang recouvert de feuilles de nénuphars. Le froid lui mordit un instant les bras alors qu’il passait tout proche de l’eau. Il replaça ses mains dans son koromo, son habit de prêtre traditionnel, par-dessous son kesa brun. Son sourire s’était alors aussitôt effacé pour laisser place à une grimace. Isao retint quelques marmonnements qui ne demandaient qu’à s’échapper au-delà de ses lèvres craquelées.

La Voix de Omoikane s’arrêta à peine à l’arrivée dans l’une des maisons qui composaient cette petite ville dans la ville qu’était la résidence Sangaigusa. Il se déchaussa au genkan, rapidement, avant de continuer sa route par les chemins extérieurs de la bâtisse. C’était après avoir traversé un long engawa au bord du petit lac que le Jokai aperçut enfin qui il était venu voir. Tout proche des hautes clôtures, sous une gloriette suspendue au-dessus de l’étendue d’eau stagnante. Sans se laisser soupçonner, l’Élu suivit les rambardes, tout en les frôlant le bois des doigts. Il rompit le contact lorsqu’il se trouva face au dos d’une frêle silhouette. À peine plus petite que lui, ses beaux cheveux noirs tombaient le long de sa peau blanche.
Depuis que Kasumi était devenue aveugle, afin de ne pas la surprendre son aîné avait pris l’habitude d’utiliser un vieux signalement qu’ils utilisaient enfants, pour se retrouver au Haut-temple. Aussi précisément que machinalement, Isao coinça ses mains l’une contre l’autre, les deux pouces en avant avec un faible espace pour y poser ses lèvres. Il souffla doucement dedans pour imiter une chouette ; en plein jour. Il existait des détails auxquels ils n’avaient pas tant réfléchi jadis.

« Bien le bonjour, imouto-san. » Quand bien même elle ne pouvait le voir, elle pouvait probablement entendre son sourire au travers de son ton allègre. « Comment te portes-tu ? Bien que je puisse deviner la réponse... »

De l’intérieur de ses vêtements, il attrapa une minuscule boule d’argile. Un cadeau reçu il y avait peu, sans aucun message.

« Une petite bille m’a délivré le message d’une demoiselle en manque d’attention... » Il soupira. « Ma cadette profiterait-elle de son aménité pour demeurer éternellement une enfant de cinq ans ? »

Quand bien même le Capricieux ne pouvait se garder de lancer quelques mots perfides, les lames qu’il balançait étaient recouvertes d’une soie protectrice. Il n’existait que trop peu de personnes en ce monde bénéficiant d’un traitement de faveur aussi extrême de la part de l’impitoyable Jokai Renge.

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Dim 11 Avr - 20:35
  
Le chant d’une chouette imitée comme pour un conte pour enfant fit tout de même sursauter la femme accoudée.  Et la lumière fut, faisant accélérer son coeur.
Comment aurait-il pu en effet en être autrement ? Isao, son grand, son fantastique frère était là.  Enfin. Ne l’avait-elle pas attendu une éternité ?
Même quand il ne le souhaitait pas et tant qu’ils n’évoquaient pas de sujet sensible, son ainé savait fort bien la persuader que doutes, craintes, dangers s'arrêtaient au seuil de là où ils se trouvaient et l'entraînait tout aussi bien dans un monde où ils étaient seuls, l’organe pompant du sang et des sentiments (du moins le sien) empli de joie et d'émerveillement.
Il n’y avait que peu de problèmes assez importants pour être capables de résister face à la simple présence impérieuse de l’ombrageux jeune homme au caractère difficile. Combien de fois ces derniers mois s’était-elle appuyée sur lui afin de mettre de côté une partie de sa colère et ses angoisses ? Beaucoup. Trop peut-être.
Même sa cécité ne lui fit plus, pour un instant, l’impression d’être d’un sac rempli de katanas en vrac à tirer.

De petits détails auraient suffi, s’il le fallait, à démontrer physiquement tout le bonheur que Kasumi ressentait à l’idée de percevoir son capricieux ainé. Ses mains pendant lâchement dans le vide revinrent pianoter sur la balustrade, ses épaules se redressèrent, les lignes qui s’étiraient sur son front disparurent et sur ses joues apparut le plus grand des sourires qu’elle ne pourrait jamais lui offrir.
Il devint même rire, léger, en entendant la remontrance voilée.

« Hiroko t’a battu. Elle m’a accusée d’avoir trois ans. »

Furent ses premiers mots. Ils étaient un minuscule mensonge amusé, facilement remarquable s’il le fallait, mais qui aurait sans doute tétanisé la pauvre servante si elle s’était trouvée là. La crainte dont se nourrissait leur Jokai n’épargnait en effet pas la soubrette en sa présence, surtout lorsque la partie féminine de leur duo s’amusait à réciter à son compère toutes les gronderies réelles ou imaginaires qu’elle avait subi. Une simple liste à un seul point donnait déjà à la domestique un teint d’ivoire sans défaut.
Kasumi se retourna en riant toujours, sans pour autant avancer vers le jeune homme aux cheveux jais. Si elle avait pu voir, on aurait pu penser qu’elle le contemplait afin de le graver en sa mémoire tant elle dirigeait son attention dans sa direction. Heureusement, elle n’avait pas besoin de ses yeux pour connaître ou retenir chaque trait de ce visage là.

Son ton se fit plus doux lorsqu’elle reprit :

« Bonjour Onii-chan. Je me porte bien.  »

Sans se mouvoir encore, elle tendit un bras, cherchant à effleurer son frère afin de mieux le situer s’il se trouvait à présent à portée et n’acceptait pas de prendre sa main. Pour une fois, le poignet était à peu près propre ; à croire que Hiroko devenait peu à peu devin et réussissait à déterminer quand Isao allait passer. Ceci pouvait aussi expliquer pourquoi son museau n’était pas visible pour le moment.

« T’ai-je à moi pour plus de quelques battements de coeur, ou dois-tu hélas déjà repartir t’occuper de tous ? As-tu au moins le temps de m’offrir de tes nouvelles ? De manger, de te reposer un peu ou de te balader ? »

L’avalanche d’interrogations se termina sur une dernière emplie d’une curiosité maladive.

« Et as-tu fait un détour par ta cour avant de venir ? »

Sangaigusa Isao
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Sam 17 Avr - 15:35
  
L’HARMONIE DES BOURGEONS UN MATIN DE PRINTEMPS


Un rayon de soleil. Ce fut les mots qui vinrent à la pensée de Isao lorsqu’il admira sa sœur et la droiture de son dos, la joie de sa posture. Il s’approcha d’elle, le bruissement de ses tabi glissant sur le sol comme seul bruit distinct du clapotis de l’eau. Kasumi se mit à rire. Quand bien même le son cristallin de sa voix souleva le cœur de son frère, ce dernier se renfrogna.

« Trois ans ? » répéta-t-il d’un ton brusque. « Si tu ne l’aimais pas autant, je l’aurai déjà mise dehors pour cet affront. » Comme un miroir, un sourire s’étira sur ses lèvres. « Il n’y a que moi qui possède le droit d’offenser ton auguste personne. »

Son torse s’était légèrement gonflé de fierté. Il était fort à parier que même s’il n’était pas né Jokai, son attitude vis à vis de son adelphe aurait été identique. Enfin, la magnifique allégresse du visage de Kasumi fut visible de l’Élu. Son sourire augmenta sans qu’il ne s’en rende compte. Sa bonne humeur était communicative.

« Tu m’en vois ravi. » répondit-il autant par politesse que par réflexe.

Le Capricieux demeura immobile, son dos droit et ses yeux doux posés sur les traits de sa cadette. Il la laissa tendre son bras dans un premier temps. Ensuite, sans trop de force, ses doigts saisirent les siens. Il scruta d’abord ses poignets, par habitude.

« C’est plus propre qu’à l’accoutumée... » commenta-t-il en guidant sa main jusqu’à son épaule afin qu’elle puisse le situer. « Je ne vais pas partir tout de suite. S’occuper de toi est aussi l’un de mes devoirs, n’est-ce pas ? » Il rit doucement. « Heureusement que nos parents n’en ont pas fait d’autres comme toi. »

Il sous-entendait le labeur qu’elle représentait sans vraiment le lui dire. Beaucoup jalouseraient ce traitement de faveur que Kasumi possédait ; ou peut-être seraient-ils effrayés de découvrir leur impitoyable Jokai avec tant d’affection dans le regard.

« Effectivement. Tu me connais bien, on ne peut pas te retirer ça. » Il soupira. « Comme d’habitude, ma cour s’est révélée être un florilège d’incompétences… Quoi que quelques-uns de mes subordonnés se sont révélés plus utiles que je ne l’aurai cru. » Il sourit. « Mais je préfère encore ces idiots à la cour de notre Dame. Enfin, tout cela doit bien t’ennuyer... »

L’Élu leva lentement sa main pour la poser sur le haut du crâne de Kasumi. Il lui flatta les cheveux sans les décoiffer.

« Eh bien ! Pas de salissure sur tes cheveux non plus ? Suis-je arrivé juste après un bain inopiné ? »

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Sam 17 Avr - 20:29
  
Il rit en guidant sa main et elle n’en sourit que davantage ; entendre une partie des nuages qui pouvaient obscurcir ses fossettes à lui s’éloigner était un plaisir dont la jeune femme ne se lasserait jamais.
Puisqu’il revenait du travail, son frère devait encore avoir sur ses épaules mille ombres n’ayant pas fini de se dissiper et elle pria silencieusement les kamis de l’aider à finir de l’en délester. Si, comme il le disait pour la taquiner, il était de son devoir à lui de s’occuper d’elle, n’avait-elle pas, elle, le droit d’ainsi le couver ?

« Il est vrai que deux Kasumi pour mettre des grenouilles dans ton bol en ferait une de trop. »
Gronda-t-elle faussement avec tendresse. La scène avait bien eu lieu, une seule et unique fois, un jour où Isao s’était montré à son goût tellement intenable qu’elle en avait boudé. Afin de le lui faire payer, alors peu âgée, la cadette avait offert à son frère pas vraiment plus vieux, sous couvert d’une dinette enfantine, un gobelet d’eau vaseuse habité surnommé du bien peu juste sobriquet «thé». Qu’elle ait réussi à le faire boire ou non était une autre histoire, mais, depuis, une ou deux fois l’an, la plus jeune rappelait à son adorable aîné qu’elle pouvait sortir de terribles griffes pas du tout affûtées.
Elle fit vivement mine de lever les yeux au ciel avant de répondre, à nouveau rieuse, au sujet du bain, sous l’agréable caresse du merveilleux Capricieux :

« Y crois-tu ? Vois comme on prend soin de moi, même quand je redécore une pièce de pâtés d’argile. Peut-être devrais-je en effet te laisser renvoyer Hiroko afin de finir plus négligée. »

Tout ça pour une toilette presque de chat. Pauvre servante. Depuis qu’ils étaient enfants, combien de fois avait-elle dû subir aussi cette menace en l’air ? Heureusement, comme il l’avait relevé, qu’ils n’étaient pas plus de semblables gamins de leurs parents, ou Hiroko aurait plus que n’importe qui déjà perdu la tête.
Kasumi effleura l’épaule donnée, doucement, du bout des doigts en rajoutant plus sérieusement, mais tout aussi aimante :

« Je ne désespère sinon pas pour toi, même si je ne comprend pas tout de ton dur labeur d’homme sage, onii-chan. Un jour, je n’en doute pas, tu trouveras la plus parfaite des paires de petites mains qui te permettra d’ignorer l’incompétence de tes autres gens. Quitte à ce que tu la formes dès sa naissance toi-même. »
L’optimiste du duo inspira rapidement. Faire entendre à son grand frère parfois buté que ce n’étaient pas ses histoires qui l’ennuyaient se révélait être difficile, malgré toutes ces années. Qu’importait s’il lui décrivait les noirceurs d’un monde qu’elle ne voulait pas approcher, s’il utilisait parfois des termes si complexes qu’elle ne les entendait pas. L’ouïr s’exprimer était ce qu’elle préférait. Enfin. Peut-être n’était-elle simplement pas le public qu’il lui fallait pour résumer ses journées emplies d’une diplomatie alambiquée, ce qu’il faisait étant bien loin des toutes petites négociations autour du prix de l’argile qu’elle déléguait le plus possible.

« Pas d’odeur de sang importante. Au moins ne t’ont-ils pas blessé physiquement ou n’ont-ils pas stupidement essayé de te faire violence, n’est-ce pas ? Me raviras-tu aussi en me disant si oui ou non, tu te portes aussi bien que moi ? »
Demanda-t-elle, succinctement inquiète à l’idée d’avoir pu louper un mauvais signe, n’importe lequel. Elle refit courir ses doigts sur le corps d’Isao, s’il la laissa faire, pour le tenir par la manche. S’il ne s’échappa pas, et ne répondît guère par la négative, la sculprice continua à babiller, prête à l’attirer vers d’autres jardins, d’autres prairies plus vertes :

« Pour te distraire et te permettre de me supporter, mon frère, veux-tu que nous allions chercher les minuscules traces que des kamis de la nature ont pu laisser dans nos morceaux de nature éveillés ? Me décriras-tu la vie de la ville ou de la maisonnée ? Ou préfères-tu encore... »

Une petite moue lui échappa, cette fois légèrement honteuse. Comme chaque fois qu’elle avait quelque chose à se reprocher, Kasumi gonfla ses joues brièvement, cherchant déjà comment se faire pardonner, avant de sourire encore.
« Que je me comporte comme une adulte et te régale de mes dernières et ennuyeuses bêtises d’enfant gâtée ? Si je dois me faire réellement gronder, peut-être devrais-je commencer par là. À part si tu as de plus excitantes idées ? »

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Mer 21 Avr - 14:02
  
L’HARMONIE DES BOURGEONS UN MATIN DE PRINTEMPS


Bien qu’elle ne put le voir, Kasumi était probablement capable d’entendre la grimace exécutée par Isao lorsqu’elle évoqua les grenouilles. Les dents serrées, une commissure ouverte et les yeux roulés vers le ciel, le Jokai maugréa :

« Une seule grenouille c’est déjà trop. »

Le rappel de l’eau vaseuse et de cette créature trempant dedans suffisait à dégoûter le maniaque qu’était le jeune homme. Il ricana néanmoins, avec mépris.

« Cette Hiroko sert donc à quelque chose, finalement. Preuve qu’elle doit tenir à toi : elle sait pertinemment que je ne te laisserai pas me toucher si tu étais recouverte de ta crasseuse argile. »

Isao n’appréciait guère la salissure, peu importait la forme et détestait davantage toucher quelque chose qui puisse le tâcher. Et ce même s’il s’agissait de son adorable sœur, à laquelle il parlait avec un ton faussement abrupt et des mots difficilement aiguisés. Il la laissa lui effleurer l’épaule tout en l’écoutant reprendre la parole. Il soupira.

« C’est parce que tu ne vois rien que tu es aussi optimiste ? Où deviendrais-tu sourde ? Il n’existe guère peu d’êtres assez capables, selon mes critères. » Il tourna légèrement la tête pour perdre son regard sur les nénuphars sans fleurs. « Je dois cependant l’avouer, l’idée d’éduquer le prochain Jokai est une perspective plaisante… » Il se renfrogna immédiatement, le menton levé avec dédain, comme si cela avait été prononcé par quelqu’un d’autre. « J’ai cependant encore trop à faire pour céder la place. J’espère que ce rejeton arrivera tardivement car j’ai bien des exploits à réaliser avant. » Il replaça son visage amusé face à sa cadette. « Peut-être que parmi eux, j’arriverai à faire de toi une honorable femme… Bien que je ne sois pas sûr qu’un siècle suffise. »

Les répliques suivantes de son adelphe surprirent l’Élu. Il écarquilla légèrement les yeux en les posant sur elle.

« Personne ne serait assez fou pour essayer de me blesser. La mort serait alors la meilleure punition pouvant leur arriver. »

Isao n’était pas réputé pour sa douceur, bien au contraire. Jokai impitoyable aux mains de fer, il gérait ses affaires avec une brutalité qu’il jugeait nécessaire et une clémence toute relative, qui avait néanmoins le mérite d’exister.

« Je me porte bien, probablement même mieux, que toi. » répondit-il finalement, un fin sourire sur les lèvres.

Observant les joues de Kasumi se gonfler, le Capricieux songea tout de suite qu’elle avait dû faire une bêtise, sinon plusieurs. Il leva un sourcil, tentant de cacher son amusement en lui demandant :

« Qu'as-tu donc fait ? » Il souffla avec un peu d’exagération. « En tous les cas, l’un n’empêche pas l’autre. Commençons par nous balader et tu me raconteras tes innombrables bêtises en chemin. »

Il lui offrit donc son bras, frôlant le sien avec son coude pour le lui indiquer. La condition de sa soeur permettait à Isao d'outre franchir les mauvaises langues de leur famille qui les trouvaient un peu trop proche, à leurs âges. Non pas que cela empêchait l’Élu de faire ce qu’il voulait, de toute façon. Peut-être manquait-il de contact humain, à sa manière, tant les murs érigés autour de son cœur étaient haut et ses défenses mortelles.

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Ven 23 Avr - 22:26
  
« Tu as raison, comme souvent. Ni toi, ni moi, ne renverrons donc Hiroko tout de suite. »
Glissa-t-elle affectueusement.
D’après ce que Kasumi en savait aussi, ils étaient hélas de même d’accord sur le fait qu’ils ne s’entendraient jamais quant à la magie merveilleuse de l’argile non réellement travaillée, qu’elle soit sous forme de simples traces sur une peau ou en fort grossiers pâtés. Il fallait donc se forcer à étouffer le ridicule espoir qu’un jour Isao perçevrait dans ces monceaux plus ou moins gros un tout, tout petit peu de ce qu’elle-même y voyait : tellement d’histoires ou de possibilités. Ce vain vœu-ci étant à jamais voué à l’échec, autant si possible d’ailleurs totalement le néantiser.

Une éphémère crispation de son sourire put aisément par la suite avertir son frère que les remarques sur ses sens provenant de lui avaient encore du mal à passer. Si on le lui demandait, c’était de la faute à sa personne uniquement, parce qu’avec ces mots, il fendillait la bulle de bonheur où le retrouver l’avait catapultée et lui rappelait encore, s’il y en avait besoin, qu’elle n’avait plus le loisir, ou plutôt la joie, de pouvoir admirer ses traits s’animer. Ou qu’un jour, peut-être, elle n’aurait plus la capacité d’entendre sa voix. Enfin. En grandissant plus ou moins avec son capricieux aîné, n’avait-elle pas déjà eu pire parfois à supporter de la part de cet être adoré ?
Un sourcil levé, elle songea qu’elle s’était sinon encore mal fait comprendre. Les idées en l’air qui traversaient ses lèvres faisaient parfois sourire Isao. Hélas, pour cette fois, cela n’avait pas fonctionné ; tant pis et autant clore rapidement le sujet, il n’avait guère besoin qu’elle l’agace davantage avec ça ou ses inquiétudes mal placées.

« Je n’imaginerai pas même te voir remplacé. »
La polissonne haussa les épaules suite à la tendre taquinerie qu’il avait rajouté.
« Mais au rythme où tu vas, cet exploit en particulier, celui que tu cites, te prendra en effet bien plus qu’une éternité. »
Pour étouffer une envie de rire qui revenait déjà, elle se mordit rapidement la lèvre inférieure, puis rajouta plus sérieusement, sans doute dans l’espoir de se faire pardonner cette énième phrase sans intérêt :
« À part, tu le sais, si la fausse poursuite de ce songe ou d’un autre t’amuse finalement moins que de parvenir à le réaliser véritablement. »

Comme chaque fois qu’elle les prononçait, il avait plus de promesses dans ces dires désinvoltes que si on lui avait demandé de jurer. Si un jour Isao s’ennuyait et souhaitait écrire un point final à cette quête ou une autre du genre, ordonner fonctionnerait, s’il se montrerait assez sévère et sérieux pour qu’elle comprenne ce qu’il désirait vraiment. Simplement lui dire que cela lui serait utile, à lui, serait sinon une meilleure façon de faire aller la cadette dans le sens de sa volonté. Ou demander, sincèrement, risquait de faire tout bêtement des miracles sur le coeur de guimauve qui lui tenait lieu de puînée.
D’un côté, n’était-ce presque pas toujours ainsi quand une chose lui semblait, à elle, importante pour lui ?

Rassurée sur la santé du jeune homme, la sculptrice se fit légèrement plus sage. Elle ne rajouta rien sur sa peur qu’un incompétent se fasse à son côté à lui un jour trop fou, bourré d’ignorance au point d’en perdre la tête. Cette crainte stupide qui parfois la tiraillait redevint ce qu’elle aurait toujours dû être : privée. Que lui importait que l’idiot ayant potentiellement perdu foi en leurs déités subisse ensuite un sort pire que la mort ; le mal aurait tout de même été fait. Malgré sa bénédiction et l’amour de leur si intelligent kami, son héros, son aîné, n’était malheureusement pas immortel et infaillible, pas vrai ?
Profitant toujours qu’ils soient encore seuls  - en négligeant les servants qui devaient passer ici ou là -, elle glissa son bras sur le sien comme il l’y incitait et se permit de pencher la tête afin d’essayer d’effleurer son épaule. S’il le permit, un silence s’installa aussi, bref et normalement plutôt léger.
Comme d’habitude, la sale môme finit par le briser, après avoir semblé de nouveau le dévorer du regard, pensive :

« Où m'emmènes-tu ? Est-ce un secret ? »

Était-ce nécessaire de préciser qu’elle le suivrait au bout du monde ?

« Je te prie de me pardonner, je cherchais par quoi commencer. Et à bien y réfléchir...  »

Elle leva quelque peu sa main libre et se mit à compter dessus, repliant un doigt à chaque point donné.

« Six bleus mal placés me paraissent la moindre des choses. Il n’y a eu sinon que trois thés renversés depuis ton dernier passage et seulement vingt doigts de pieds notables écrasés. Involontairement dirons-nous. »

Un air coupable qui ne dura pas.
« En excluant le vase qu’obaa-san avait proche de son entrée, je n’ai cette fois point détruit en partie une chambre ne m’appartenant pas en croyant être dans la mienne, ni failli tomber plusieurs fois d’affilée dans une mare. »

Elle referma sa menotte, la laissa tomber en concluant :
« Et à part m’être perdue en sortant, ou avoir agacé l’un de nos oncles, je te promet n’avoir aucun autre méfait à avouer. Du moins je le crois.
N’y-a-t-il pas des progrès ? »

Demanda-t-elle, plutôt amusée, en tournant son menton vers lui. Sans lui laisser le temps de répondre ou de la gronder, elle enchaîna, le coupant s’il tenta de s’exprimer :
« Mais maintenant, raconte-moi quelque chose à ton tour, s’il te plaît... As-tu rencontré dernièrement de merveilleuses surprises, quelles qu’elles soient, onii-chan, tant qu’elles rentrent dans la catégorie de celles qui, bien trop rarement, font se former des rêves sur tes lèvres et éclairent ton front ? »

Ce sujet-ci l’intéressait bizarrement pour le moment bien plus amplement que le précédent. Question de priorités sans doute.

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Sam 24 Avr - 16:34
  
L’HARMONIE DES BOURGEONS UN MATIN DE PRINTEMPS
♫ Yunagi ♪


« Mmmh... » fut la seule réponse en retour des retours de la cadette sur la possible descendance de l’Élu. Il ne l’ignorait pas : au contraire, il réfléchissait avec minutie aux avis qu’elle lui avait transmis. La conversation le ramena à son adelphe, à laquelle il réagit naturellement. Enfin, il attendit, le bras tendu, qu’elle s’accroche à lui afin de débuter une balade bienvenue. Un silence s’installa alors que Kasumi enroulait ses doigts et effleurait son épaule avec ses cheveux. Isao démarra la marche. Elle demanda où il l’emmenait. Le Jokai répliqua sans hésitation :

« Si tu souhaites que je te décrive ce que je vois, je ne connais qu’un endroit qui puisse se détacher des autres. »

Non pas que la mousse, les arbres et les grenouilles ne soient un spectacle qui lui déplaise. En revanche, Isao n’était pas doué pour exposer avec exactitude ce qu’il contemplait. Pour cette raison, la poésie et la calligraphie avaient toujours été des matières dans lesquelles il possédait un talent on ne pouvait plus commun. Il valait mieux ne pas le lui faire remarquer. Aussi, au-delà d’expliquer qu’il y avait de l’eau, de l’herbe verte et un autre type d’herbe verte… Le Jokai ne souhaitait pas ennuyer sa sœur et encore moins la voir lister tous les endroits possibles de la demeure familiale.
Il se doutait cependant qu’elle puisse aisément deviner de par la direction qu’ils prenaient, en s’orientant depuis son point de départ. C’était sans compter son mauvais sens de l’orientation qu’elle lui rappelait en énumérant toutes ses bêtises. Il ricana, plissant les yeux avec allégresse en portant son regard au lointain. Il la laissa poser ses questions mais ne manqua pas de revenir en arrière ; il n’allait pas manquer une occasion de la taquiner. Et, comme elle s’intéressait davantage à lui qu’à elle-même, l’aîné portait plus d’intérêt à son adelphe qu’à ses ennuyantes péripéties.

« Nous n’avons pas fini ton “tour”. » commença-t-il d’un timbre tranchant. « Je dois bien avouer que je m’attendais à une liste bien plus longue. » Il tourna lentement son visage vers celui de sa cadette. « Tu fais bien d’exclure le vase d’obaa-san. Il était moche et je déteste son sale caractère. Ça lui fera les pieds. »

Il disait cela, mais se prendre la tête avec sa grand-mère était l’un de ses passe-temps favoris lorsqu’il était plus jeune. Les pupilles du duo se croisèrent ; le Capricieux se demandait si elle pouvait sentir la douceur de ses iris rencontrer les siens.
Les effluves de l’étang vaseux s’amenuisaient peu à peu. Les tabi glissés sur le parquet se transformèrent bientôt en un son différent. Une petite marche marquait la séparation entre la demeure et le jardin ; de gestes délicats, Isao invita sa soeur à être prudente, l’aida à se chausser des zori en libre accès et fit de même. Marchant presque sur la pointe des pieds, Isao claquait le talon de ses sandales en bambou en avançant, sans y prêter attention.

« Mais du progrès, oui, en effet… Je suppose que je dois t’encourager plutôt que te dire que ce n’est pas suffisant, n’est-ce pas ? » Une habile manière de faire les deux à la fois. « Attention aux marches... » ajouta-t-il promptement.

En effet, ils arrivaient face à des escaliers en roche. La nature était plus dense à l’endroit où ils se trouvaient ; des tōrō éteintes bordaient le chemin de pierre qu’ils venaient d’emprunter et montaient jusqu’à un horizon caché par la flore. Le vent semblait avoir des difficultés à traverser les épaisses branches qui intimaient leurs protégés ; la brise les secouait en signe de mécontentement. L’odeur de terre humide était plus présente ici, car le sol dallé recouvrait moins de surface que le bois que les deux Renge avaient empruntés juste avant.

« Pour en revenir à tes interrogations… Non. Ma visite sur les terres du Lys Noir s’est avérée ennuyeuse et m’a mis en retard sur bien des projets ici, pour rien. Puisque je ne peux guère faire confiance à mes incapables larbins... »

Il s’en plaignait toujours, mais en réalité, il s’était entouré de gens compétents. Tout n’allait cependant jamais assez vite pour l’impatient qu’il était et pas assez bien pour sa personnalité perfectionniste.

« Que voudrais-tu savoir de mes périples, imouto-san ? »


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Sam 24 Avr - 23:37
  
Puisqu’ils s’y rendaient sans doute à pied,  le bout du monde merveilleux du jour avait tout de même intérêt à ne pas être trop loin, songea-t-elle, toujours curieuse, en évitant avec l’aide de son frère de joliment tomber sur une première marche. Y arriver en sueur et fatigués risquait sinon hélas de les rendre tous deux moins disposés à rire et faussement se chamailler.
Un air coupable lui échappa d’ailleurs tandis qu’ Isao revenait sur ses inepties, mais s’enfuit fort vite quand sa propriétaire se rendit compte qu’il n’évoquait pas les deux dernières et seules bêtises qu’elle aurait eu du mal à expliciter. Ouf.

Il y avait certaines informations qu’elle n’avait pas envie de fournir, pas tout de suite, du moins. Outre qu’elle était toujours à son aise dans leur simili de bulle et qu’elle n’était pas sûre de trouver les bons mots pour ne pas la percer pour de bon, l’idée de peut-être voiler d’une toute petite dose d’inquiétude, même de manière éphémère, ce rire amical qui perçait sous certains de ses propos à lui, d’éventuellement gommer, légèrement ou non, les sourires que véhiculait son ton, ou encore de faire probablement s’évaporer, pour un temps imprécis, les douces sensations de chaleur qu’il lui délivrait aléatoirement - de celles que seul un gentil regard peut déposer sur une peau quand il la coupe du soleil et la couve tendrement assez longtemps - , lui déplaisait amèrement.
Il faudrait bien pourtant, à un moment ou un autre, qu’elle le mette au courant de ses projets, mais surtout pas maintenant, décida la cadette en se concentrant sur le souffle du Jokai. Plus tard.
Arriva une fermeture de paupières parfaitement voulue, un peu longuette et gentiment moqueuse quand son aîné termina sa remarque sur le caractère de leur aïeule.

« A-t-elle encore menacé de te laver la bouche à grand renfort d’encens dilué la dernière fois que tu es allé la saluer ? Ou cette idée de punition provenait-elle d’une de nos tantes ? »

Demanda-t-elle alors qu’ils allaient pour habiller leurs petons. Le changement de sol sous ses pas lui fit brièvement se demander et espérer qu’Isao la menait hors de la maisonnée, dans un de ces endroits charmants, construits totalement par la main de l’homme et presque secrets auxquels elle n’avait pas d’accès et qui permettaient - dans son imagination du moins - de voir tout un pan de la ville sans se faire repérer.
Elle aurait par ailleurs pu se chausser seule. Hélas pour lui, profiter de toutes les adorables petites attentions qu’il lui offrait était un luxe qu’elle s’autorisait à chaque fois qu’il lui faisait grâce de sa présence. Les années n’ayant rien changé à cette habitude enfantine, la puînée se tut donc le temps de l’entreprise, ne lui rabâcha point qu’elle n’était plus une gamine et se comporta même plutôt comme telle en notamment s’appuyant un peu plus lourdement sur son bras.

Un nouveau silence fut, le temps de parcourir une partie des chemins loin d’être plats qui apparurent des minutes après, uniquement troublé par le bruit de leur avancée et celui de la nature.
Trop concentrée à mettre un pied devant l’autre, à estimer la hauteur et la profondeur des marches à tâtons et à s’agripper plus fermement à la manche de son frère quand elle se sentait tituber parce qu’elle s’était ratée d’une manière ou d’une autre, la fille ne dit mot, se contentant de froncer les sourcils lorsqu’elle craignait avoir un peu trop enfoncé ses courtes griffes dans les tissus et la chair qui la soutenaient.
Elle avait bien ouvert, au début, son clapet pour répondre aux dires  d’Isao, mais l’avait vivement refermé sans une parole une fois la montée débutée. Ce ne fut qu’une fois au minimum le tiers fait qu’elle tira un petit coup sec sur le vêtement de son adelphe dans le but de le faire s’arrêter pour qu’elle puisse répliquer. Le son du kimono ainsi froissé se fit plus fort qu’il ne l’était à ses oreilles absentes.

Refusant de bouger, la mule qu’elle était huma alors l’air chargé de terre et de feuillages, prêta plus d’attention à ce qui les entourait, puis laissa un énième large sourire radieux exprimer tout le plaisir qu’elle avait à se trouver là, en route vers un lieu qu’elle pensait peut-être deviner sans en être du tout assurée, en si délicieuse compagnie.
Elle ne se retint de dire à plus capricieux qu’elle qu’elle souhaitait déjà être arrivée et donc qu’ils devraient, une fois repartis, aller plus vite encore que le vent quitte à échouer eux aussi, que parce que d’autres sujets étaient toujours à discuter et qu’elle s’était promis de se faire un peu plus sage que tout à l’heure. Difficile cependant de résister.

« Si d’autres bouts du mobilier te déplaisent, je peux toujours me charger de leur faire subir le même sort qu’au vase. »
Proposa-t-elle sans se mouvoir, une fois son souffle de nouveau totalement calme, avant de secouer la tête, peu fière finalement de sa faible réponse tardive.

« Tout ce que tu accepteras de partager me plaira sinon à entendre, tu t’en doutes sûrement. »
Ajouta-t-elle doucement, malhabilement.
Et ce même si les tentatives d’explications variées sur une certaine partie de son travail, de la part leurs aînés, lui avaient toujours paru sonner aussi étrangement que des ordres nocturnes rédigés dans le langage secret des surveillants des morts si cela existait.

« Je ne crois pas qu’il existe un seul point qui n’attise pas ma curiosité. Enfin... »
Son air heureux et avide de l’ouïr se refit hésitant.

« Voyons cela une fois qu’il n’y aura plus le risque de te faire dévaler ce que nous devons franchir, veux-tu ? Peut-être pourras-tu alors me faire mentir ?  »
Car il était hors de question d’en louper la moindre miette.

« Combien de chances pour que nous finissions au sol et échevelés nous reste-t-il d’ailleurs à dépasser  ? »
L’interrogea-t-elle encore, innocemment, bien décidée à essayer d’obtenir plus d’indices sur leur destination exacte.

Sangaigusa Isao
Renge
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Jeu 29 Avr - 17:05
  
L’HARMONIE DES BOURGEONS UN MATIN DE PRINTEMPS


« De l’encens dilué ? » répéta l’Élu avec étonnement. Un sourcil levé, il tourna son visage décontenancé vers sa sœur. L’idée le dégoûtait suffisamment pour que cela se voit sur ses traits. « Non, ce devait être elle. Nos tantes n’ont plus assez de nerf pour s’opposer à moi. »

Son sourire en coin était presque audible. Isao était fier d’être craint. Il n’y avait bien que quelques membres de sa famille pour encore le confronter sans avoir peur des représailles. Le Jokai n’était cependant pas assez bête pour faire quoi que ce soit qui nuirait à la précieuse réputation de son nom. Cela n’avait néanmoins pas empêché des mesures un peu brutales pour punir ceux qui avaient dépassé les limites imposées par son statut. Être de sa famille n’offrait clairement pas de passe-droit.
Un peu plus loin, le Capricieux libéra le bras de son adelphe pour la laisser reprendre son souffle. Il considérait que cela puisse lui demander une concentration toute singulière. Par chance, il y avait peu d’escaliers dans les demeures du pays.

« Heureusement que je suis là pour t’entraîner un peu, tu en as cruellement besoin. » lança-t-il en observant Kasumi.

Il était persuadé qu’elle ne l’avait pas vraiment écouté. Il ne le lui fit cependant pas remarquer, par gentillesse. Le Jokai n’avait pas l’intention de se moquer de l’handicap de sa cadette. Il n’était pas cruel à ce point ; pas avec ceux qu’il aimait.

« Tu peux le dire. » commença-t-il avec un air amusé. « Tu aimerais déjà être arrivée, non ? »

Ce n’était pas tant difficile à deviner, entre l’attitude de la jeune femme et ce qu’il connaissait d’elle ; soit beaucoup de choses. Il retint un ricanement peu gracieux en se frottant le bout du nez. Gêné d’avoir failli laisser s’échapper un rictus laid, Isao laissa fuir son regard sur le bout de la marche sur laquelle il demeurait debout. La voix de Kasumi fit lever ses pupilles pour se poser sur elle. Il releva finalement le menton pour lui répondre :

« Te faire mentir ? Ne le fais-tu déjà pas sans avoir besoin de mon concours ? » se moqua-t-il. « Je ne compte pas me blesser et encore moins me salir en tombant dans la terre et la poussière. Sois donc rassurée, je te rattraperai quoi qu’il arrive… Ou te laisserai tomber toute seule ! »

Il rit cette fois-ci, avec autant de malice que c’était un mensonge. L’Élu lança un regard sur la montée qui les attendait.

« Il doit bien rester une vingtaine de marches... » Il pivota pour faire face à sa sœur. « J’aimerais te proposer de te porter, mais je n’ai pas envie de transpirer... »

L’idée suscitait un écoeurement tel qu’il s’entendait dans le timbre de sa voix.

« Mais si tu préfères, je peux te décrire la mousse du jardin à la place de la vue d’en haut. »


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Sam 1 Mai - 21:56
  
Vingt donc. Vingt fichues marches qu’elle aurait clairement préféré faire sur le dos de son frère à présent qu’il ne le proposait pas. Blottie contre son cou, elle aurait pu se laisser aller à l’ivresse de lui murmurer tout bas des aveux qui font frissonner, puis rire au point de se tenir le ventre. Las, son fantastique adelphe n’avait pas envie de transpirer, impossible donc de gentiment l’embarrasser ou d’ainsi le faire s’amuser.

Faisant contre vilaine surprise - Vingt marches ! - grand coeur, Kasumi poussa un soupir théâtral avant de chercher la main de son ainé. Ce furent ses doigts à lui qu’elle vint trouver et enlaça tendrement des siens ; le rire malicieux qu’il lui avait offert précédemment lui fut encore rendu une fois cela fait.

« La robe éthérée des nuages t’inspirera sans doute toi aussi plus qu’une fort mignonne mousse verte ou marron. Sacrifions donc ma mauvaise volonté. »

Il avait raison, comme d’habitude, sur certains des points qu’il avait relevé, mais elle se retint de le lui répéter et hâta plutôt son pas déjà pressé.
Une marche fut passée trop vite pour leur sécurité. Titubante, la puînée recommença cependant à babiller une fois ses deux pieds à la même hauteur, bien moins concentrée que tout à l’heure.

« Je te promets de ne plus mentir pour le moment si tu te retiens aussi. »
Vu son ton taquin malgré la crainte qu’elle venait de se faire, elle allait sans doute tenter de retourner gentiment cette future promesse contre lui. Cela ne rata pas, en effet :

« S’occuper énormément de moi est toujours ton devoir n’est-ce pas ? »
Son sourire s’agrandit. Elle eut du mal à retenir encore un rire.

« Pendant que tu me réapprends à marcher, accepterais-tu de m’aider à atteindre un objectif plus grand encore  ? »

Son index libre vint battre deux notes sur sa lèvre inférieure avant qu’elle ne s’engage, bien plus lente, sur une autre marche.

« Pour me motiver plus qu’il n’en faut, si je parviens à monter les dix dernières parties seule, m’offriras-tu par exemple une réponse à une question terriblement, terriblement gênante sans trop te fâcher ou me faire la tête, onii-chan ? »
Regard en coin amusé. La fille avide d’un tel présent se força à escalader un énième minuscule bout de l’escalier, écrasant un peu trop fort peut-être les doigts qu’elle tenait. Visiblement, elle savait exactement ce qu’elle comptait demander et il ne devait pas y avoir là de lourd secret, sinon sans doute aurait-elle eu l’air moins prête à folâtrer...

« En plus, bien entendu, du récit le plus complet que tu le voudras de tes derniers voyages et de ta description mirifique de ce qui nous entourera sous peu, cela va sans dire. »

Elle s’arrêta de nouveau dans sa progression pour ajouter dans une grimace :

« Quand à si tu juges que je me rate... Mhh. Il faut que ce soit équitable, aussi nous ferons à la place ce que tu souhaites si cela te convient. Et même si ça inclut de me faire taire plus de cinq minutes, ou de réviser des matières depuis trop longtemps oubliées, je te jure que je m’y plierai. Qu’en dis-tu ? »
Dans tous les cas de figure, elle se retrouverait gagnante d’une manière ou d’une autre. Mais il n’avait pas besoin de le savoir, si ?

« Si tu refuses,» Finit-elle d’expliquer, moins gaie tout de suite. « je crains de te faire encore bien mal au bras ou aux doigts et m’en voudrais. »

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